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deau, déjà si lourd. Elle ne marchandera pas plus que nous ne le faisons nous-mêmes l’espace aux mémoires dramatiques et colorés, lorsque ces œuvres personnelles se présenteront à titre de monumens littéraires; mais elle se montrera justement sévère pour les écrivains qui, placés à plusieurs siècles des événemens, prendront avec leurs lecteurs toutes les libertés de l’autobiographie. Il n’est légitime de grossir l’histoire qu’à la condition de la transformer. Lorsque M. Rousset élit domicile au dépôt de la guerre pour étudier à fond celui qui fut durant trente ans le ministre principal d’un règne tout militaire, quand à force de documens inexplorés il parvient à substituer un homme vraisemblable au Louvois de mélodrame calomnié par Saint-Simon, il n’a pas à s’inquiéter de l’étendue de son travail, car celui-ci est en rapport avec l’importance du personnage auquel on le consacre; mais Fouquet peut-il prétendre au droit d’imposer de nouveaux in-octavo aux rayons déjà surchargés de nos bibliothèques? Son rôle politique ne fut-il pas secondaire, et la curiosité éveillée par son nom n’attend-elle pas des scandales plutôt que des révélations utiles? Ce sont là des questions auxquelles il semble naturel de répondre en les écartant avec quelque dédain, et pourtant ce personnage, étrangement grandi par l’esprit de coterie, mérite qu’on en parle encore. Il y a en effet dans son histoire un enseignement précieux à recueillir pour notre temps comme pour le sien.

Procureur-général au parlement de Paris durant les agitations de la fronde, Fouquet disparaît devant le premier président, et sa figure s’éclaire même d’un jour beaucoup moins éclatant que celle de ses deux avocats-généraux. Chargé plus tard par Mazarin de lui trouver de l’argent à tout prix, et n’ayant guère d’autre mission financière que de satisfaire les cupidités de son chef qui éveillèrent les siennes, Fouquet fut longtemps un personnage assez effacé entre Le Tellier et Servien. Le surintendant n’apparaît guère qu’un jour au premier plan de l’histoire. Six mois séparent à peine la mort du tout-puissant cardinal de l’arrestation de ce ministre : période bien courte durant laquelle on n’entrevoit chez l’homme qui aspirait à remplacer Mazarin que des vues extravagantes dépistées par un roi de vingt-trois ans, exaspéré par les efforts mêmes qu’on faisait pour le séduire. La vie de Fouquet n’aurait donc nulle importance politique sans la catastrophe qui, en la terminant si brusquement, donna tout à coup à l’opinion un cours fort imprévu. Tout est dit d’ailleurs sur ce long procès, l’une des nobles pages de notre histoire parlementaire; il n’y a plus rien à nous apprendre ni sur l’administration financière de Fouquet, ni sur les séances de la chambre de l’Arsenal, depuis les récens travaux sur le ministère