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Royal accompagné de son état-major d’instituteurs, la population africaine qu’il avait à diriger comprenait 9,050 personnes, sans compter 2,000 noirs établis dans les camps fédéraux, sous la surveillance directe de l’autorité militaire. En outre il devait pourvoir aux besoins des nègres fugitifs et les répartir sur les diverses plantations. Son œuvre offrait de grandes difficultés. Sur les 9,050 noirs de l’archipel, 693 étaient vieux, malades ou infirmes, 3,619 enfans n’étaient pas encore en âge de travailler, enfin 300 artisans manquaient complétement d’instrumens et ne pouvaient être utilisés que pour le jardinage. Les charrues et les autres instrumens agricoles étaient en grande partie hors de service ; quant aux mulets et aux chars, ils avaient été mis en réquisition pour les besoins de l’armée, et tous les transports devaient désormais se faire à dos d’homme. Un obstacle plus grand encore se présentait : le gouvernement fédéral avait instamment recommandé la culture si importante du cotonniersea-island ; mais les nègres se refusaient à cultiver cette plante, qui leur rappelait seulement les misères de leur vie passée. Sans attendre les conseils des surveillans, ils s’étaient empressés d’accroître considérablement les dimensions des carreaux que les planteurs leur avaient concédés jadis, et, comprenant qu’il importait surtout d’obtenir une forte récolte de vivres pour éviter la famine, ils avaient semé du maïs sur une étendue considérable de terres ; mais nulle part ils n’avaient continué la culture du cotonnier. Cependant ils n’osèrent pas résister longtemps aux conseils d’instituteurs qui les traitaient en hommes libres, et, bien que la saison fût déjà très avancée, ils se mirent courageusement à l’ouvrage. Sur 5,518 hectares mis en culture, les deux cinquièmes environ furent consacrés au coton. À une balle par hectare, ce qui est à peu près le rendement moyen pour le coton sea-island, on aurait pu compter sur un produit de plusieurs millions de francs ; mais les intempéries et le retard apporté dans les travaux ont donné raison à la répugnance des nègres pour la culture du cotonnier ; la récolte a été presque nulle, et désormais tout le travail des plantations s’est reporté sur la production de vivres.

La déférence avec laquelle les noirs de l’archipel se rendent aux conseils qu’on leur donne est d’autant plus remarquable que l’autorité des missionnaires est purement morale. L’entrée des plantations est interdite aux soldats fédéraux, et les officiers eux-mêmes ne peuvent y pénétrer qu’en qualité de visiteurs. Les surveillans, parmi lesquels se trouve une femme, déploient en général une grande activité ; mais, trop peu nombreux pour diriger personnellement les travaux, ils doivent se borner à parcourir sucessivement les cinq ou six plantations qui leur sont confiées, et dont plusieurs