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polonaise, c’est dans l’histoire contemporaine la sainte-alliance, qui s’est appelée plus tard l’alliance du Nord; c’est cette combinaison colorée un moment de mots prestigieux, représentée comme une alliance de fraternité chrétienne, et en réalité née avec le premier partage de la Pologne, maintenue à travers tout, même à travers des rivalités d’un autre ordre, dans la pensée unique, toujours renaissante, d’une garantie mutuelle de la triple domination. C’est une triste et invincible logique qui, dans la politique intérieure et extérieure des puissances ainsi liées, a fait de l’absolutisme la rançon de leur part de souveraineté sur un peuple qui n’a jamais voulu être conquis et qui veut moins que jamais l’être aujourd’hui. Tout se tient : essayez donc de comprendre une liberté quelconque en Russie tant qu’il y a une Pologne frémissante et indomptable. Une velléité renaissante d’absolutisme à Berlin conduit aussitôt à une sorte de reprise de complicité avec la domination russe dans le royaume de Pologne. Et d’un autre côté il a suffi que l’Autriche se fît à demi libérale pour se trouver, au moins moralement, dégagée d’une solidarité trop directe et pour se créer la sécurité du moment. La vérité est que cette solidarité dont je parlais, et dont l’Autriche se lasse peut-être, a été une cause incessante de désordre moral et politique en entretenant un foyer inextinguible d’agitation, en conduisant plus d’une fois l’Europe au seuil de la guerre, en troublant tous les rapports par le fantôme obstiné d’une coalition toujours possible, en embarrassant souvent les puissances copartageantes elles-mêmes par les redoutables tentations de violences qu’elle leur créait, par la gêne qu’elle leur imposait dans la poursuite d’intérêts d’un autre ordre. Voilà ce qui apparaît, et s’il est une nation intéressée à rompre cette fatalité séculaire, à se proposer dans sa politique le retour à un ordre plus régulier et plus juste, c’est la France. Ce qu’il y a de sécurité, de garantie pour nous dans l’existence d’une nationalité polonaise plus libre, éclate dans un double fait qui se reproduit à trente ans de distance. Aux premiers momens de la révolution, lorsque l’Europe tentait cette étrange entreprise de réduire la France, quelle était une des causes les plus essentielles des premières défaites de la coalition? C’est que les alliés de Pilnitz, en prenant les armes contre la révolution française, se tournaient au même instant du côté de la Pologne pour achever de la démembrer et se partager ses dernières dépouilles. Ils divisaient leurs forces pour se jeter sur leur proie du nord, et ils n’en échouaient que plus sûrement dans leur triste campagne contre nous. En 1830, lorsque l’empereur Nicolas cherchait ouvertement à nouer une coalition nouvelle et faisait même avancer son armée pendant qu’il négociait à Berlin, qui se levait encore entre la