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leur horizontalité, ou n’ont subi que de légères inflexions. C’est au milieu de couches marneuses voisines du Ventoux, et figurées comme néocomiennes par M. Scipion Gras, auteur d’une carte géologique du département de Vaucluse, que M. Eugène Raspail a découvert en 1842, près de Gigondas, un reptile fossile gigantesque : il lui a donné le nom de Neustosaurus ou lézard nageant. Cet animal avait 5m,55 de long. Par son organisation, il est intermédiaire entre les crocodiles vivans et les grands reptiles fossiles appelés Ichthyosaures ou lézards-poissons. Ceux-ci habitaient des mers géologiques plus anciennes, au sein desquelles se déposèrent successivement les terrains triasiques et jurassiques, tandis que le néocomien inférieur est postérieur à toute la série de ces terrains. Aussi l’organisation du Neustosaurus se rapproche-t-elle plus que celle des Icnthyosaures du plan des reptiles actuels.

Quand le Ventoux a surgi, il a relevé les couches des terrains plus modernes formés après lui dans les mers géologiques postérieures à l’océan néocomien ; c’est ce que l’on voit admirablement le long du pied méridional de la montagne ; tous les escarpement des collines sont tournés de son côté : telle est en particulier la muraille de grès rouges et jaunes, aux formes pittoresques, comprise entre Bedoin et La Madeleine, tel est l’aspect des monticules couverts d’oliviers qui s’étendent vers Flassan et Methamis. Ces collines appartiennent à la formation du gault, qui, dans l’ordre chronologique des terrains, succède immédiatement au terrain néocomien. Au pied du versant septentrional du Ventoux, on retrouve les mêmes terrains dans l’étroite vallée de Brantes, entre Saint-Léger et Savoillans. Ainsi donc, à une époque géologique dont l’imagination ne saurait concevoir ni l’éloignement ni la durée dans le temps, le Ventoux s’est élevé, écartant et soulevant les terrains plus modernes déposés autour de lui. Actuellement ils forment une sorte de boutonnière elliptique dirigée de l’est à l’ouest et d’une, longueur de 25 kilomètres environ.

L’aspect physique du Mont-Ventoux est une conséquence de sa structure. Son versant méridional offre une pente augmentant régulièrement de la base au sommet, et semble une portion relevée de la plaine du Rhône, vaste plan incliné qui serait complètement uni, si depuis longtemps le déboisement de la montagne n’avait favorisé le ravinement de ses pentes. Ces ravins, qui rayonnent du sommet vers la base, s’élargissent à mesure qu’ils descendent et forment quelquefois de véritables vallées ; nulle part on ne reconnaît mieux la puissance de l’action dès eaux pluviales sur les terrains dénudés. Par les fortes averses qui caractérisent le midi de la France, ces ravins deviennent des torrens temporaires qui se précipitent vers la