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deux parties : d’un côté les candidats, de l’autre les collèges électoraux, les électeurs. Dans un pays où la vie du gouvernement représentatif est bien établie et fonctionne avec une activité régulière, rien de plus simple, rien de plus naturel que les rapports réciproques des candidats et des électeurs. Ceux qui aspirent à l’honneur de représenter leurs concitoyens ont alors tous les moyens de communiquer librement avec le corps électoral ; ils peuvent solliciter les suffrages, aller au-devant des électeurs. Une lutte à armes égales leur est ouverte. Le candidat propose et l’électeur dispose ; celui qui s’est mis en avant, même en cas d’échec, sort de ces scènes animées de la vie publique où il s’est élancé avec entrain sans avoir à se reprocher d’avoir tenté une démarche inutile ou ridicule. Entre cet état normal du régime représentatif et la situation présente de la France, il y a des différences si apparentes et si connues que nous sommes dispensés de les signaler. Ces différences sont telles qu’à nos yeux elles ne conseillent point aux candidats possibles de l’opposition l’empressement et l’ardeur. Dans la situation où nous sommes, le mandat de député n’offre pas l’attrait puissant qui échauffé les ambitions élevées. C’est aux électeurs de l’opposition de faire aujourd’hui les premiers pas, c’est d’eux que doit venir l’initiative ; c’est à ceux qui auront peu de goût à accepter les candidats des préfets, à ceux qui sentiront leur patriotisme et leur honneur intéressés à envoyer au corps législatif des députés indépendans du pouvoir, de venir chercher dans leur retraite les citoyens qu’ils croiront dignes de leurs suffrages. À cette condition, on pourra honorablement accepter les candidatures indépendantes : on n’aura point brigué avec impatience un honneur apparent, on ne fera que remplir avec dignité son devoir en prêtant son nom au ralliement des divers groupes de l’opinion libérale et en secondant un salutaire réveil de la vie publique.

Nous justifierons mieux notre réserve, si nous mettons en balance les causes qui ont diminué les attraits de la députation et les circonstances qui peuvent décider des hommes dévoués à en accepter la tâche.

Les difficultés qui rebutent certains esprits et certains caractères sont de plusieurs sortes. Il y a d’abord la formalité du serment préalable. Ne parlons point avec légèreté du scrupule de conscience et de fierté qui s’arrête devant le serment. L’appréciation du serment est une affaire personnelle, nous dit-on ; renvoyons-la au domaine de la conscience privée. Soit, mais n’oublions pas que le serment des hommes publics est un acte public et intéresse la morale publique. Un serment constitutionnellement défini et prêté à un souverain responsable n’est point semblable, ajoute-t-on, au serment absolu des légitimités féodales. Nous le voulons bien, et nous admettons qu’à ce titre il soit plus acceptable pour ceux qui n’en ont jamais encore prêté ; mais la position est-elle la même pour les hommes considérables qui s’étaient liés, non pas seulement par la parole jurée, mais par leurs convictions politiques et leur participation au pouvoir, à des gouvernemens antérieurs ? Nous estimons pour notre part la délicatesse qui retient