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louable exemple. Un applaudissement universel l’a remercié de la lettre spirituelle et digne par laquelle il a répondu à cet électeur de Valenciennes qui, intervertissant les rôles et peu soucieux des convenances, voulait faire de M. Thiers un candidat empressé et entendait le soumettre à un interrogatoire public.

Tous les incidens de politique intérieure qui surviennent aux approches d’une élection générale empruntent à ce voisinage une importance particulière. Parmi les incidens de cette nature, il n’en est point, nous le répétons, qui pût être plus inopiné que la démission de M. Fould et l’acte qui a motivé cette démission. Nous espérons encore qu’on ne laissera pas partir M. Fould ; mais cet événement, à quelque point de vue qu’on le considère et quel qu’en soit le dénoûment, n’offre rien dont les amis du gouvernement aient à se féliciter. Le communiqué envoyé au Journal des Débats et à la Patrie est un acte ministériel soumis à l’appréciation de l’opinion publique, et appartient par conséquent à la discussion. Il y a dans ce communiqué une question de procédé d’abord, et ensuite une interprétation singulière du nouveau système financier établi par M. Fould.

Le procédé, nous le confessons, nous a remplis d’étonnement. Nous savions bien que nous ne vivons point sous le régime des ministères responsables et par conséquent des cabinets homogènes, mais nous ne supposions pas que, dans un acte aussi important qu’une communication du gouvernement au public, il pût être parlé par d’autres ministres d’affaires ressortissant à un département ministériel sans que le chef de ce département eût été consulté. Nous ne supposions pas qu’un ministre fût exposé, à peu près comme nous, humbles journalistes, à recevoir indirectement de ses collègues un véritable avertissement. Il est incompréhensible que le ministre des finances n’ait pas été avisé d’une note où le système financier était apprécié au nom même du gouvernement. Il est encore plus incompréhensible que les rédacteurs de cette note et ceux qui l’ont envoyée aux journaux n’aient pas compris ce qu’elle avait de pénible pour le ministre des finances. Il y a là une série d’énigmes que nous ne nous chargeons point de deviner. Nous ignorons comment sont réglés les rapports entre les ministres, mais nous concluons avec le public qu’il y a dans le système de ces rapports une grosse imperfection dont les effets viennent d’éclater aux yeux de tous de la façon la plus étrange.

L’interprétation du système financier donnée par le communiqué n’est pas moins surprenante. Si cette interprétation n’était pas promptement rectifiée, le sens du système financier de M. Fould serait complètement altéré dans l’opinion publique, et on ne voit pas ce que le gouvernement y gagnerait. C’est en vain que le Moniteur a publié la fameuse lettre de l’empereur du 14 novembre 1861 et le célèbre mémoire de M. Fould ; c’est en vain que le sénatus-consulte de 1861 a été commenté par M. Vuitry au conseil d’état, par M. Troplong au sénat ; c’est en vain que M. Fould, assez mal défendu au, corps législatif, prenait lui-même, il y a peu de