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du repos et de la sécurité qui, au sortir des guerres civiles, étaient le besoin le plus impérieux de tout le monde, mais aussi de cet éclat incomparable que ses embellissemens de toute sorte donnèrent à Rome. On était sûr de plaire au peuple par ce moyen. César, qui le savait, avait dépensé en une fois 100 millions de sesterces (20 millions) rien que pour acheter le terrain où devait être son forum. Auguste fit mieux encore. Le testament contient la liste des monumens qu’il a fait construire, et cette liste est si longue, qu’il n’est pas possible de la citer tout entière. On y compte quinze temples, plusieurs portiques, un théâtre, un palais pour le sénat, un forum, etc. Rome entière fut renouvelée par lui. On peut dire qu’aucun monument ne lui échappa, et qu’il fit restaurer tous ceux qu’il n’avait pas fait reconstruire. Il acheva le théâtre de Pompée et le forum de César, il rebâtit le Capitole. En une seule année, il fit réparer quatre-vingt-deux temples qui tombaient en ruine. Tant de millions n’étaient pas dépensés vainement, et toutes ces profusions, chez un prince aussi rangé, cachaient une profonde pensée politique : cette Rome de marbre devait distraire le peuple des souvenirs importuns du passé, et lui faire oublier la Rome de brique.

Ce n’était pas du reste la seule compensation qu’Auguste offrît aux Romains : il leur en donnait de plus nobles, par lesquelles il cherchait à légitimer son pouvoir. S’il demandait au peuple le sacrifice de sa liberté, il prenait soin de combler de toute sorte de satisfactions son orgueil national. Personne n’a mieux que lui fait respecter Rome au dehors ; personne ne lui a donné tant de sujets d’être fière de cet ascendant qu’elle exerçait autour d’elle. La dernière partie de son testament est pleine du récit complaisant de ces hommages que les pays les plus reculés du monde ont rendus à Rome sous son règne. De peur qu’on n’arrêtât les yeux avec quelques regrets sur ce qui se passait au dedans, il s’empressait de les diriger vers cette gloire extérieure. À tous les citoyens qu’attristait l’aspect de ce forum désert et de ce sénat obéissant, il montrait les armées romaines pénétrant chez les Pannoniens et chez les Arabes, les flottes romaines naviguant sur le Rhin et le Danube, les rois des Bretons, des Suèves, des Marcomans réfugiés à Rome et réclamant l’appui des légions, les Mèdes et les Parthes, ces terribles ennemis de Rome, lui demandant un roi, les nations les plus lointaines, les moins connues, les mieux protégées par leur éloignement et leur obscurité, troublées par ce grand nom qui pour la première fois arrive jusqu’à elles et sollicitant l’alliance romaine. « Il m’est venu de l’Inde, leur disait-il, des ambassadeurs de rois qui n’en avaient encore envoyé à aucun

    16 pour 100 à peu près. C’est justement le chiffre auquel s’élève l’accroissement de la population en France après la révolution, de 1800 à 1825, c’est-à-dire que des circonstances politiques assez semblables avaient amené les mêmes résultats. On pourrait croire à la vérité, que cette augmentation de la population sous Auguste tient à l’introduction des étrangers dans la cité ; mais on sait par Suétone qu’Auguste, contrairement à l’exemple et aux principes de César, se montra très avare du titre de citoyen romain.