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toutes deux, l’apparition du Christ était le miracle absolu, le miracle des miracles. Par compassion pour l’humanité déchue, Dieu lui-même avait pris notre nature, s’était incarné dans le sein d’une Vierge-mère, avait souffert, était mort humainement, et, après avoir opéré ce qu’il fallait pour la rédemption du genre humain, il avait laissé à des apôtres spécialement choisis le soin d’annoncer au monde entier la vérité révélée, en leur communiquant le pouvoir surnaturel de la transmettre infailliblement et pour tous les temps.

Jusque-là les deux théologies marchaient assez bien d’accord. La divergence commençait à partir du moment où l’on définissait les moyens mis en œuvre pour réaliser la volonté divine. Comment la personne et la doctrine de l’homme-Dieu devaient-elles être portées à la connaissance de l’humanité ? Par l’église, répondaient les théologiens catholiques, par l’église, infaillible dépositaire de la pensée divine, et qui était déjà constituée, quand le Christ quitta la terre, avec saint Pierre pour chef visible et les autres apôtres pour coadjuteurs. Leur caractère sacerdotal, ainsi que leur infaillibilité religieuse, ayant été transmis par une voie régulière à leurs successeurs, c’est le sacerdoce chrétien qui est et a toujours été l’organe de la révélation, le vase unique de l’immuable tradition. — Il n’y a pas de sacerdoce spécial dans la nouvelle alliance, prétendaient les protestans. Sans doute les apôtres ont reçu le Saint-Esprit pour enseigner purement et fidèlement la vérité religieuse ; mais leur privilège n’a pas été étendu aux autres chrétiens. En revanche, poussés par de célestes inspirations, ils ont écrit, et les livres, grands et petits, qu’ils ont laissés servent pour tous les temps et tous les lieux de règle à la croyance. C’est donc la Bible, et particulièrement le Nouveau-Testament, qu’il faut considérer comme la source unique et infaillible de la vérité.

La Bible pour les uns, l’église pour les autres, telles étaient donc les deux autorités souveraines, et comme les dogmes ont aussi leur logique, il en résulta que des deux côtés on fut conduit à pousser son principe à sa dernière conséquence. Pour les catholiques, l’infaillibilité de l’église s’identifia toujours plus avec celle du clergé et surtout avec celle de la papauté. Pour les protestans, la Bible revêtit un caractère tellement miraculeux que les points-voyelles eux-mêmes, introduits par les rabbins du moyen âge dans le texte hébreu pour en faciliter la lecture, partagèrent le bénéfice de cette origine céleste. Comme l’école de Tubingue est née en terre protestante, nous n’avons pas à poursuivre « plus longtemps ce parallèle. Signalons seulement un dernier point sur lequel les deux grandes fractions de la chrétienté occidentale se rencontraient encore.

Que les apôtres fussent prêtres et en état de transmettre à leurs