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une manière d’agir qui n’est ni la force ni l’argent. — Soit, cette définition de Stendhal en vaut bien une autre. Est chose politique à ce titre le traité de Westphalie par exemple, c’est-à-dire une négociation de cinq ans pour terminer les fortunes de guerre les plus longues et les plus diverses, ou bien encore la réforme des lois céréales en Angleterre, laborieusement conquise sans que personne ait été corrompu ni violenté. Quoi qu’il en soit de ces illustrations, vous n’y ajouterez pas, bien sûr, le cas des communes où le nombre est souverain, où l’on se compte, puis où l’on s’opprime en toute légalité, en toute conscience. Remarquez en effet qu’à procéder ainsi, une commune croit faire œuvre pie et sensée : elle n’imagine pas d’autre légitimité que celle du nombre, et prend pour le droit ce qui est de la force toute pure, de telle façon que ce gouvernement ne formera pas même un roué, un de ces personnages selon le cœur de Machiavel, qui ont visiblement un bout de rôle dans les affaires de l’humanité.

Il y a quelque oubli de la logique la plus élémentaire à supposer que la science des intérêts publics s’acquiert dans la pratique avouée d’intérêts bornés et tout personnels. Pesez bien les termes de cette hypothèse, ôtez-en quelques circonstances superficielles, et vous avez pour résidu une conclusion prohibée, s’il en fut, depuis que le monde raisonne, celle qui procède du particulier au général. Cet aspect, ce trait de généralité, est en effet ce qui constitue la politique considérée dans les esprits ou dans les choses.

Il ne faut pas pour cela traiter de sophistes les grands et généreux esprits qui opinent si fortement pour la liberté des communes, parce qu’ils y voient le nom d’une chose qui a tous leurs regrets et leurs respects. J’ai l’honneur de partager ce sentiment ; mais à quoi bon l’égarer ? Vous obtiendrez quelque jour cette liberté des communes : nous y marchons, nous avons fait quelques pas dans cette voie, sous un gouvernement qui lâche volontiers l’ombre du pouvoir ; une fois là, vous serez libres, comme vous l’êtes depuis le libre échange. N’allez pas, dans vos déceptions, vous décevoir encore et vous-mêmes. C’est de liberté politique qu’il s’agit : or il n’y a pas de politique parmi ces communes qui ne sont pas souveraines, pas de liberté dans ce gouvernement absolu des majorités,

Vous soupçonnez quelque chose de politique parmi les communes, voyant là des conseils qui se réunissent, qui délibèrent, qui ouvrent des scrutins, qui procèdent à des votes et à des choix, tout comme on fait dans les conseils du pays ; mais que tout cet appareil de représentation, de scrutin, de mise aux voix, ne vous fasse pas illusion : tout cela est le signe d’un mandat, et rien de plus. Or ce qui peut arriver de pis à une affaire, c’est d’être conduite par voie de