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les plus divers, depuis la comédie anecdotique d’Andrieux jusqu’aux Burgraves, depuis les drames chrétiens de Hrotsvitha jusqu’aux marionnettes, on aurait droit d’être sévère sur sa qualité d’érudit ; on pourrait le définir le contraire d’un Letronne ou d’un Fauriel, et soutenir sans trop d’injustice qu’il n’y apportait aucune initiative personnelle. Car, hors de là, regardez bien : rien ne lui vient de lui-même ; il y a toujours quelqu’un qui lui instille la chose goutte à goutte dans l’oreille, — une oreille, il est vrai, des plus nettes et des mieux purgées, comme dirait Horace. Ce n’est que sur les matières de théâtre qu’il commence à devenir tout à fait lui et un maître à sa manière.

Désigné un jour par Fauriel pour être son suppléant dans la chaire de littérature étrangère à la Faculté des lettres (1834-1835), il fut amené à choisir un sujet d’études qui ne rentrât pas trop dans les matières si diverses déjà traitées par le savant titulaire : il n’hésita pas et prit les origines du théâtre moderne ; il s’en occupait aussi dans des conférences dont il fut chargé vers le même temps à l’École normale. Ses cours, au reste, ne comptèrent que par les résultats écrits, par les livres ou les articles qui en sortirent. M. Magnin, pas plus que Fauriel (et, s’il se peut, encore moins que lui), n’était né pour la chaire et l’enseignement oral ; il n’avait rien de ce qui fait l’orateur ni même le professeur, tel que des talens élevés et brillans nous ont appris de nos jours à le considérer. Il improvisait peu et il lisait imparfaitement, il tâtonnait en lisant et n’imprimait pas l’accent au discours. Il n’avait de l’homme qui parle en public ni le masque, ni la bouche d’airain, ni le front ; il n’avait pas le coup d’œil ni la flamme du regard : aucune action, aucun geste. La nature ne l’avait pas fait pour être de ceux qui lancent de loin dans le but la flèche sonore. Tout au contraire, il semblait jouir de ne pas faire d’éclat autour de lui, de n’aller que pas à pas (pedetentim), de n’être goûté que de près et de quelques-uns. Son plus grand plaisir était le plaisir de la fourmi qui grossit son tas grain à grain. Il ne voyait bien les choses que le nez dans son livre et le front sur son papier. Face à face et de vive voix, il valait moins qu’avec la plume (je ne parle pas de la conversation privée, où il était fort aimable). Encore une fois, il n’y avait rien là dedans du professeur de cette sorte de fontaine publique jaillissante et retentissante où tous vont en foule s’abreuver.

Et ici je veux achever de le dessiner par un contraste, et qui ne sera pas tout à son désavantage. Chacun, dans les groupes intellectuels qu’il traverse et dans les combinaisons de personnes où il se trouve mêlé, rencontre dès sa jeunesse ses affinités, ses attractions au moral, comme aussi ses antipathies et ses déplaisances. Une nature