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qu’on interroge Énée, fils de Vénus, ou Romulus, fils de Mars, soit que l’on compare Romulus le guerrier à Numa le pontife, soit qu’on rapproche la fondation de Rome des grands événemens contemporains, soit enfin qu’on cherche le nom mystérieux de la ville éternelle, on arrive infailliblement à cette conclusion : Rome avait une double destinée à remplir, et il était écrit dans le plan divin de l’histoire universelle qu’elle gouvernerait le monde par la force avant de le gouverner par l’amour.

À ces indications fournies par les légendes nationales et les symboles religieux, il faut une confirmation par l’histoire réelle. M. de Lasaulx ne recule pas devant les nécessités de sa démonstration, il les formule au contraire avec une audacieuse confiance quand il écrit ces mots : « Tout ce qui flottait dans le demi-jour des légendes, tout ce qui était enveloppé dans les voiles du mythe, au commencement de l’histoire de Rome, doit reparaître sans voiles, sans ombres, au faîte de son développement, à la pleine lumière de sa vie politique. » Où est ce faîte ? où est cette lumière ? La période décisive dans l’histoire de Rome, c’est celle que M. Mommsen appelle la révolution, révolution immense en effet, qui n’intéresse pas seulement l’Italie, mais le monde entier, révolution épique où non-seulement la terre, mais le ciel même a joué un rôle. Le dernier siècle de la république, le premier siècle de l’empire, voilà la grande époque de l’histoire de Rome et peut-être de l’histoire universelle. Or à l’une des heures décisives de cette solennelle époque, au moment où l’aristocratie et la démocratie, la réaction et la révolution, se disputaient le monde dans les plaines de Pharsale, on vit les deux armées représenter en quelque sorte les deux grandes parts de l’histoire religieuse du genre humain. D’un côté marchaient les peuples dont le nom seul rappelle l’Ancien Testament, de l’autre s’avançaient les hommes qui devaient inaugurer l’ère chrétienne. Les Orientaux, et parmi eux les Juifs, combattaient dans les rangs de Pompée ; les Occidentaux, et parmi eux les Germains, se battaient pour César. Ces renseignemens nous sont fournis par Appien et Lydus ; Florus même avait dit avant eux que la cavalerie des Germains avait décidé la victoire. On devine avec quel bonheur l’historien allemand recueille ces détails restés inaperçus jusqu’à lui, ces détails d’une portée si haute, d’une signification si profonde, et en tire une conclusion dont ne se doutaient ni Appien, ni Lydus, ni Florus. Tandis que les deux armées croyaient combattre pour l’aristocratie ou la démocratie, pour l’ancien régime ou la révolution, c’était la cause de Jésus-Christ qui était débattue à Pharsale. Pompée avait donné pour mot d’ordre à ses soldats Hercule l’invincible, César avait choisi Vénus la victorieuse. On connaît l’issue de la lutte, mais