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malveillantes[1], — acheva de relâcher les liens étroits un moment formés entre l’Italie et ses libérateurs, et que notre coûteuse intervention aurait dû au contraire resserrer.


III

La conquête des Deux-Siciles par Garibaldi et cette annexion napolitaine qui donnait plus de vraisemblance que jamais à la constitution d’un royaume italien trouvèrent la France (disons mieux, son gouvernement) dans les mêmes dispositions d’embarras et de mécontentement. En face du principe de non-intervention si hautement proclamé, comment s’opposer à cette révolution si prompte, à ces coups de main téméraires dont le rapide succès, passant toute probabilité, déjouant tout calcul, donnait aux entreprises d’un homme sans mission, d’un aventurier héroïque, on ne sait quel caractère providentiel, on ne sait quel reflet de l’action divine ? Et d’un autre côté comment applaudir aux triomphes de Garibaldi ? Là de nouveau nous étions mis en demeure, et cette fois avec des précédens bien faits pour nous éclairer. Malgré nous, les annexions de l’Italie centrale s’étaient accomplies ; malgré nous, le territoire pontifical avait été démembré : nous étions arrivés ainsi à faire des résultats inévitables que devaient avoir les victoires de la France autant d’échecs pour la France, Il semblait donc qu’instruits par tant de rudes leçons nous dussions adopter un parti décisif pour ou contre la révolution nouvelle, l’accepter ou la repousser nettement, la regarder comme une fille légitime de Solferino, ou la désavouer comme étrangère à nous et frauduleusement substituée au dénoûment prévu et désiré de notre alliance avec le Piémont. Notre, attitude ne répondit guère, il faut l’avouer, à cette attente. La descente des mille à Marsala nous trouva peut-être plus confians que de raison dans l’insuccès probable de cette fabuleuse témérité. Le combat de Calatafimi, où

  1. Selon quelques-uns des biographes les plus accrédités de M. de Cavour, la cession de la Savoie à la France n’avait pas à ses yeux un caractère définitif. On peut lire à ce sujet l’étude consacrée par la Quarterly Review (1861) à l’homme d’état que l’Italie venait de perdre. M. Arrivabene, qui cite cette opinion du reviewer anglais, la confirme par un souvenir personnel. Dans une conversation d’après-dîner, peu de jours avant la motion de Garibaldi sur ce qu’il appelait la « vente d’un peuple, » M. de Cavour s’attachait à démontrer au correspondant des Daily News que l’Angleterre, si émue alors de l’accroissement de notre territoire, n’avait aucun motif légitime de s’en prendre à lui, Cavour, et de l’accuser de duplicité… « Puis, continue M. Arrivabene, il termina brusquement notre entretien par une phrase dont le sens était que Nice, tout au moins, redeviendrait italienne un jour ou l’autre. » — Italy under Victor-Emmanuel, t. II, p. 12 et 13.