Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gaëte. Était-ce donc seulement contre Garibaldi, personnifiant plus ou moins la révolution, que de telles mesures étaient adoptées ? Entendait-on simplement protester ainsi contre une victoire sans drapeau reconnu ? Nullement ; l’interdit subsista lorsque la marine napolitaine eut été mise sous les ordres d’un amiral piémontais. La protection inefficace et limitée qui mettait une partie des murs de Gaëte,— une partie seulement, — à l’abri de toute attaque subsista au-delà du terme que l’Italie lui avait sans doute assigné. L’arrivée de Victor-Emmanuel devant Capoue ne changea rien à la situation. Par l’organe du chef de notre escadre, il lui fut notifié, comme, il l’avait été à M. Crispi, que le blocus était nul, que Gaëte ne serait pas attaquée par mer, et que, si ses vaisseaux franchissaient une certaine ligne, pénétraient dans une certaine zone, cette infraction serait considérée comme un acte d’hostilité. Les journaux du temps portent témoignage du point extrême où le conflit fut porté. La situation devint si tendue qu’un simple coup de tête de l’amiral Persano (qui se déclarait prêt à se faire couler), un ordre mal donné par le roi de Piémont ou mal compris par le chef de sa marine pouvaient faire partir les canons chargés de part et d’autre. Il y eut un moment où la division sarde, défilant devant notre escadre mouillée à l’embouchure du Garigliano, reçut l’ordre formel de s’arrêter, et où, si elle eût tenté de pénétrer dans la baie de Gaëte, l’amiral français, sous peine de se démentir, eût dû immédiatement ouvrir le feu. Étrange dénoûment, il faut en convenir, qu’auraient eu en 1860 les événemens de l’année 1859 !

On sait comment ce grave incident prit fin. Le roi de Piémont et son amiral furent assez avisés pour déplacer à temps la question soulevée par l’attitude de M. l’amiral de Tinan. La difficulté s’était engagée à la suite de la déclaration apportée par le contre-amiral Albini, que, « la flotte sarde pouvant ouvrir à chaque instant des hostilités contre Gaëte, il venait en informer le consul de France et ceux de ses compatriotes établis dans la ville menacée. » Et cependant, lorsque les réclamations du roi Victor-Emmanuel arrivèrent au cabinet des Tuileries, elles étaient accompagnées d’une déclaration formelle que « le roi n’entendait ni bloquer Gaëte ni l’attaquer du côté de la mer. » L’objet du conflit, on le voit, n’était plus le même, et l’importance en avait singulièrement diminué. Le dénoûment dès lors était facile à prévoir. Comment ne pas répondre par une satisfaction de pure forme aux concessions si importantes de Victor-Emmanuel, qui d’ailleurs, en attendant la décision de notre gouvernement, avait respecté la limite tracée par le commandant de l’escadre française ? Celui-ci reçut en conséquence de nouvelles instructions qui lui firent restreindre à la simple portée de ses canons