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la nature humaine, et ne laisse place qu’aux mauvais penchans. C’est là en grande partie le secret de l’infériorité des prétendus « fils de Cham. »


III

On augurerait mal de l’avenir du Brésil, si l’on ne voyait à l’œuvre que l’Indien et le nègre. Celui qui veut connaître tous les élémens de vitalité que renferme la population brésilienne doit observer les hommes de couleur, qui semblent avoir puisé dans le mélange des races la vigueur que réclame, pour être fécondée, cette âpre et torride nature des tropiques. Le nombre toujours croissant des hommes de couleur s’explique par les conditions de l’émigration européenne. Il n’y a guère de femmes qui s’expatrient, surtout au-delà de l’Océan ; vingt-cinq mille Européens au contraire abordent tous les ans au Brésil, et vont se répandre les uns dans les villes, les autres dans les terres, suivant les goûts, les aptitudes ou l’ambition. Faute de femmes blanches, ils s’allient aux négresses ou aux Indiennes, et donnent ainsi naissance à ces générations de métis qui, se croisant à leur tour, fournissent toutes les nuances de l’espèce humaine. Ces croisemens si divers peuvent se ramener à trois souches primitives : le mameluco, le mulâtre et le cabocle.

De ces trois types, c’est le mameluco qui offre la physionomie la plus étrange. On appelle ainsi les descendans des anciens conquistadores qui prirent les Indiennes pour épouses après avoir exterminé les guerriers du désert. Ils occupent une zone immense sur les deux rives du Rio-de-la-Plata (fleuve de l’argent), depuis la côte de l’Atlantique jusqu’aux forêts les plus reculées de l’intérieur. Les provinces méridionales en sont presque exclusivement peuplées. Habitués à manier le cheval dès leur enfance, les mamelucos ne mettent presque jamais pied à terre. C’est à cheval qu’ils vaquent à leurs occupations, qu’ils chassent, qu’ils pêchent, qu’ils causent de leurs affaires. Armés du laço, ils forment ces redoutables centaures si connus dans l’Amérique du Sud sous le nom de gauchos, et qu’on