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plus ou moins la philosophie, les dieux et les arts des peuples vaincus. On peut suivre ce mouvement sur les statues qui se succèdent selon l’ordre des âges. Non content de raconter ainsi l’histoire de Rome depuis les beaux temps de la république jusqu’à la triste série des empereurs, on a voulu encore nous apprendre quelque chose des mœurs et de la vie domestique des Romains. On s’est adressé aux ruines d’Herculanum et de Pompéia, ces cités enterrées toutes vivantes sous la lave ou la cendre. De même qu’il est arrivé si souvent dans l’histoire de la nature, les matériaux qui ont détruit ces deux villes ont servi à les conserver. Tout en se proposant de reconstruire le modèle d’une maison romaine à l’aide des indications fournies par les fouilles qui ont exhumé Pompéia, on n’a point eu en vue telle villa particulière. L’intention a été de donner le type d’une habitation complète avec les cours, les vestibules et la distribution des chambres. Les voyageurs qui ont été à Naples affirment d’ailleurs que l’imitation est d’une exactitude rigoureuse[1]. On entre par un étroit passage, le prothyrum ; de chaque côté est une loge réservée au portier et aux esclaves ; sur le pavé se montre, incrustée en mosaïque, la figure d’un chien féroce, avec ces mots écrits : cave canem[2]. Au reste, le visiteur est libre de se croire chez lui, pour peu qu’il accepte de bonne foi l’illusion qu’on cherche à lui inspirer. Romain du temps d’Auguste, le voici maintenant dans son atrium, au centre duquel une ouverture pratiquée dans le toit, le compluvium, reçoit et déverse l’eau des pluies dans un bassin de marbre, l’impluvium. Autour de l’atrium, il peut entrer dans les chambres à coucher (cubicula), curieusement décorées de peintures murales. Tout le reste de l’habitation est également ouvert devant lui : les ailes (alœ), sorte de recoins consacrés à la négociation des affaires avec les étrangers ; le tablinum, où il est censé conserver les archives de famille, les peintures et les objets d’art ; le péristyle, le xystus ou jardin de fleurs, le triclinium ou salle à manger d’hiver, le triclinium d’été, le vestiarium, la salle de bains, l’œcus ou salle des banquets, le thalamus ou chambre à coucher du maître de la maison. Pour sortir, il regagne maintenant l’atrium par d’étroits passages (fauces).

De Rome à Grenade et à la civilisation mauresque la transition est un peu brusque, et pourtant, si l’on tient moins compte de l’ordre chronologique des faits que du cours naturel des idées, la religion des Sarrasins se rattachait à l’antiquité par le dogme du fatalisme.

  1. Les peintures ont été exécutées sous la surveillance de M. Giuseppe Abbate, un des conservateurs du musée de Naples.
  2. Sur le seuil d’une autre porte latérale se trouve incrustée dans le pavé une devise plus bienveillante : salve !