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de Paris, s’attaque hardiment au « système du droit de la nation, supérieur à celui de la royauté. »

Grand coureur de nouvelles, amateur passionné de renseignemens politiques, Barbier veut d’ailleurs tout voir, tout savoir, ce qui se passe dans la coulisse comme ce qui se passe sur la scène, et il parle cependant des affaires publiques comme si elles ne le regardaient pas. Très différent en cela de d’Argenson, c’est un curieux, ce n’est pas un citoyen ; c’est un honnête badaud, bien égoïste et bien prudent, qui, tout en réunissant d’un air goguenard sa collection de documens « pour servir de pièces justificatives des sottises de ce pays-ci, » estime que, lorsqu’on est simple avocat comme lui, « il faut faire son emploi avec honneur, sans se mêler d’affaires d’état sur lesquelles on n’a ni pouvoir ni mission, » éviter « les démarches qui peuvent être reprochées, » et fuir la société « des esprits caustiques et turbulens ; » ce qui ne l’empêche pas d’ailleurs de passer sa vie à médire du gouvernement, à colporter des bruits scandaleux et à entamer de son mieux la considération du régime qu’il voudrait conserver comme utile à son repos. Sauf les cas où la personne royale est en cause, Barbier ne sait pas ce que c’est que le respect. Il parle des puissans avec malveillance et mépris. « Qui pourrait-on choisir de mieux dans ce pays-ci pour ministres que des fripons ? — C’est à toutes ces histoires-là que notre argent est employé. — Nous n’aurons jamais le plaisir de voir pendre les fripons de conséquence ! — Quoi de plus flatteur que de voir abaisser les gens en place ! » Voilà ce qui lui vient couramment à l’esprit. Il ne veut pas qu’on puisse imprimer de semblables propos, mais il veut pouvoir les tenir au café, ou tout au moins dans sa maison. Il a autant de colère contre la police, lorsqu’elle prétend empêcher le bon bourgeois de crier, que contre les libellistes qui combattent la politique ou les abus auxquels il s’attaque. Pendant la guerre de la succession d’Autriche, il se plaint amèrement de ce « qu’on fait mettre nombre de nouvellistes à la Bastille. Cela est d’une administration puérile. Il est vrai qu’il y a dans Paris beaucoup de gens malintentionnés qu’on appelle Autrichiens ; mais, ma foi ! quand les nouvelles sont généralement mauvaises, et qu’elles sont l’effet de la mauvaise conduite, il n’est pas possible que le bon Français ne se plaigne et qu’il crie victoire. »

Ce que Barbier pardonne encore bien moins à la police que ses rigueurs, ce sont ses négligences. À son gré, « on ne peut trop acheter la tranquillité publique, » et l’on est toujours trop scrupuleux en fait de moyens, lorsqu’il s’agit de défendre la sûreté du bon particulier. « On a bien peu de soin dans ce pays-ci ! s’écrie-t-il avec aigreur en racontant l’évasion d’un dangereux scélérat à qui on avait promis la vie sauve, parce qu’il avait fait prendre Cartouche. On