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Tandis qu’entre Washington et Richmond les deux partis accumulent leurs plus nombreuses armées et se livrent sans résultat des batailles gigantesques, c’est ailleurs, sur le cours du Mississipi, que se fait la véritable guerre politique, celle qui peut assurer l’incontestable suprématie du nord et l’abaissement définitif du sud. Or, de ce côté, la fortune semble depuis quelque temps sourire aux troupes et aux escadres de l’Union. Les confédérés ont abandonné ou sont menacés de perdre bientôt leurs plus fortes positions sur le Mississipi. Le jour où l’Union sera maîtresse du grand fleuve, la séparation des états de l’ouest ne sera plus à redouter ; les états confédérés perdront tout espoir de s’étendre et tout moyen de s’appuyer sur la rive droite du Mississipi. Emprisonnés entre le fleuve et la mer, privés de toute expansion, réduits à vivre sur eux-mêmes, on pourra leur laisser l’indépendance, s’ils y tiennent ; mais cette indépendance ne sera plus un danger pour la grande république du travail libre, ni, au point de vue politique comme au point de vue des intérêts matériels, une conquête bien précieuse et bien glorieuse pour la république du travail esclave.

Les chambres belges viennent de terminer leur session législative, et la Belgique a, elle aussi, sa fièvre électorale. C’est une occasion naturelle pour nous de mentionner rapidement quelques-unes des mesures qui ont signalé cette dernière session. Parmi ces mesures, nous citerons le rachat du péage de l’Escaut. Le gouvernement belge s’est toujours fait remarquer par son intelligence économique et sa sollicitude éclairée pour les intérêts commerciaux. Il devait avoir à cœur de faire disparaître ce péage, relique des temps de barbarie économique, d’affranchir d’une façon complète et définitive la navigation d’un fleuve aussi important que l’Escaut, et de faire disparaître les derniers vestiges des traités de Munster et de la Barrière. M. le comte Vilain XIIII avait entamé des négociations à ce sujet, M. le baron de Vrière les avait continuées ; c’est le ministre actuel des affaires étrangères, M. Ch. Rogier, qui a eu l’honneur de les mener à bonne fin. Dès le 5 juin 1839, le gouvernement et les chambres, ne voulant pas que le commerce maritime eût à souffrir de la disposition du traité de paix du 19 avril qui établissait au profit de la Hollande un péage à percevoir sur tout pavillon naviguant dans l’Escaut, avaient décrété le remboursement de ce péage par l’état aux navires de toutes les nations. C’était pour celles-ci une faveur spontanément accordée par la Belgique, qui aurait rempli toutes ses obligations en se bornant à payer le péage pour ses propres navires sans s’inquiéter des autres nations. La charge toujours croissante qu’elle s’était imposée pour attirer dans l’Escaut le commerce du monde entier ne pouvait peser éternellement sur elle. Les autres gouvernemens ont compris qu’il y avait là une injustice ; ils savaient d’ailleurs que le remboursement du péage de l’Escaut était le résultat non pas d’un traité international, mais d’une loi librement votée, et qui aurait pu être un jour librement abrogée par le parlement belge. ils ont donc adhéré