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habitude lui tient lieu d’aréomètre. Dès que le jus tourne au sirop, il le retire et le verse dans des baquets, où il refroidit. Le sucre est fait : il se présente d’abord sous la forme de petits grains roussâtres. Il ne reste plus qu’à clarifier et à sécher. Le résidu de la liqueur, appelé mélasse, donne par la distillation la cachaça, ce nectar du nègre, de l’Indien et de beaucoup de blancs. Cette cachaça, après un séjour de quelques mois dans des tonneaux fabriqués avec de certaines espèces d’arbres, perd son goût sauvage, et devient une eau-de-vie que les connaisseurs mettent au rang du fameux rhum de la Jamaïque.

La culture du sucre exige plus de bras et plus de fatigues que celle du café, mais elle est plus productive, surtout depuis que les eaux-de-vie ont atteint un prix si élevé. Elle a cependant aussi ses inconvéniens. Quand l’année est trop pluvieuse, la sève, étant surchargée d’eau, ne se concentre pas facilement, et exige une cuisson très prolongée. Dans les années de sécheresse, la canne rend peu ; elle donne néanmoins toujours un produit, même dans les années les plus calamiteuses, tandis que le café peut manquer complètement. Malgré cette chance redoutable, c’est le café que les petits propriétaires cultivent de préférence. La récolte n’offre aucune difficulté. S’ils n’ont pas de machine pour la décortication du grain, ils vont chez le voisin. La construction et l’entretien d’une sucrerie exigent au contraire des avances considérables que peuvent faire seuls les riches planteurs.

La culture du coton ne date pas de loin au Brésil, et, sauf quelques localités, on peut dire qu’elle n’y est encore qu’exceptionnellement répandue. Peut-être la guerre civile qui désole les États-Unis lui donnera-t-elle une impulsion décisive. Cette culture, aussi simple que celle du café, exige encore moins de soins. Rien de plus pittoresque qu’un champ de cotonniers en fleur. L’arbre n’est pas d’ordinaire très haut, certaines espèces même ne sont que des arbustes traînant jusqu’à terre leurs nombreux rameaux ; mais, dès que le bouton s’ouvre aux chaudes haleines du printemps, on voit la campagne parsemée de grands pétales jaunes qui semblent autant de papillons butinant dans la rosée du calice. Au bout de quelques semaines, ces fleurs se referment, pendant que d’autres éclosent. Le fruit mûrit aux rayons du soleil, le précieux duvet se forme. Bientôt le calice s’ouvre une seconde fois, étalant ces houppes soyeuses qui font l’admiration des étrangers et la joie de la plantation. Le soir, quand, après une journée brûlante, la coque, largement ouverte, laisse tomber ses touffes blanches en longues grappes et que la brise de l’océan vient agiter le feuillage des arbres, le spectacle devient indescriptible. À voir ces grappes folâtres frissonnant au moindre