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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/80

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Hieas mourut en 1616, après dix-huit ans de règne. Il avait fait reconnaître un de ses fils pour son successeur ; trois autres de ses enfans, les gosankés (princes du sang royal), reçurent l’investiture ; des riches principautés de Kousiou, de Mito et d’Owari. Le mikado avait été forcé de sanctionner une loi en vertu de laquelle le taïkounat devait être maintenu dans la descendance directe de l’héritier, choisi par Hieas ou dans les familles gosankés.

Le nouveau taïkoun, appuyé par les trois cent quarante-quatre ; jeunes daïmios et par les quatre-vingt mille hattomotos, s’établit sans difficulté sur le trône de Yédo. Les grands daïmios s’habituèrent peu à peu à un ordre de choses qui leur assurait la jouissance tranquille de privilèges achetés par leurs ancêtres au prix de leur sang et de leurs richesses ; Quant au mikado, gardant toujours, ses prétentions au pouvoir absolu, mais réduit à l’impuissance, ils vécût d’une pension que lui octroyait le taïkoun. Depuis cette révolution, une paix profonde a régné au Japon jusque vers le milieu de notre siècle ? le mikado résidait à Kioto (Miako)[1] et n’exerçait qu’une influence morale sur les affaires de l’état ; le taïkoun avait sa cour à Yédo ; il entretenait une nombreuse armée ; possédait d’immenses revenus ; et c’était lui qui exerçait en réalité le pouvoir.

Vers l’année 1840, sous le règne du taïkoun Minamoto Yeoschi, le conseil des cinq avait pour chef le ministre Midzouno Etkisenno-Kami, homme fort instruit et supérieur à la plupart de ses compatriotes. Après la conclusion du traité de Nankin, qui termina en 1842 la première guerre des Européens contre la Chine, en ouvrant aux étrangers une partie de l’empire du milieu, ce ministre eut la hardiesse de proposer à ses collègues d’ouvrir le Japon aux hommes de l’Occident. Cette proposition fut accueillie froidement, et, il se hâta de la retirer ; mais il n’avait pas soulevé en vain cette question : beaucoup de Japonais distingues s’en occupèrent activement. À leur tête se trouvaient le prince de Kanga, le plus riche des gok’ chis, le prince de Mito, un des trois gosankés, et Ikammonort-Kami, daïmio très influent, qui a joué plus tard, comme régent, un grand rôle dans l’histoire de son pays.

Le prince de Kanga, apportant dans l’appréciation des faits si graves qui tendaient à rapprocher l’Occident de l’Orient le même esprit libéral qui animait le ministre Midzouno, publia un écrit remarquable[2], où il cherchait à prouver combien le Japon avait intérêt à ouvrir ses ports avant que les étrangers vinssent demander d’une manière trop pressante la suppression des anciennes entraves.

  1. L’ancienne capitale dû Japon est indiquée sur nos cartes géographiques sous le nom de Miako, traduction verbale du mot capitale. Le véritable nom propre de cette résidence impériale est Kioto.
  2. C’est à l’obligeance de M. l’abbé Menuet de Cachou, missionnaire apostolique Hakodadé (île de Yesso), que je dois la communication de cet écrit du prince de Kanga. On retrouve dans ce curieux document tous les argumens dont les ambassadeurs européens se servirent, dix ans plus tard, pour engager les Japonais à entrer en relations avec les puissances occidentales.