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contre le régent grandit en raison de son insuccès. Vers cette époque, les représentant de l’Angleterre, de la France et de la Russie, lord Elgin, le baron Gros et le comte Poutiatine, arrivèrent à Yéde et exigèrent du gouvernement les mêmes concessions qu’avait obtenues l’envoyé des États-Unis[1]. Le premier ministre Vakisakou s’étant retiré des affaires à la suite de l’élection du taïkoun, Ikammono-Kami, qui conservait la régence pendant la minorité du jeune prince de Kousiou, fut seul chargé de traiter avec les étrangers. Nous avons fait remarquer combien son libéralisme était subordonné à ses intérêts, comme il inclinait vers les vieilles idées japonaises lorsqu’il n’avait pas à faire des idées de progrès une arme contre Mito, son ennemi ; mais les événemens étaient plus forts que son habileté : le traité conclu avec l’Amérique tendait impossible un refus aux autres nations de l’Occident. Le régent se plia d’assez bonne grâce à la nécessité, et les traités entre le taïkoun d’une part, les États-Unis, l’Angleterre, la France, la Hollande et la Russie d’autre part furent signés en 1858 et ratifiés dans les premiers mois de l’année suivante. En vertu de ces traités, les villes de Nagasaki, de Yokohama et de Hakodadé, faisant partie du domaine particulier du taïkoun, furent ouvertes au commerce étranger le 1er juin 1859.


II

La rivalité du prince de Mito et du régent se réveilla avec une nouvelle violence à l’arrivée des premiers négocians européens au Japon. C’était le régent qui les avait appelés, c’était donc lui qu’on devait rendre responsable des troubles que les nouveau-venus allaient exciter. Les agens de Mito, répandus dans tout le pays, déployèrent un zèle fanatique pour soulever le peuple contre les todjins (hommes de l’Occident), et ceux-ci, il faut l’avouer, rendirent leur tâche assez facile.

Les premiers étrangers qui s’établirent au Japon étaient pour la plupart des agens des grandes maisons commerciales que les Anglais, les Américains et les Hollandais possèdent en Chine ou dans les Indes néerlandaises. C’étaient des hommes parfaitement sûrs, et non point des aventuriers dangereux, des chevaliers d’industrie, comme on en trouvait, à l’âge d’or de la Californie, dans l’ouest de l’Amérique ; mais, s’ils avaient les qualités de la race blanche, ils en avaient aussi les défauts, et surtout cette vanité blessante qui nous rend aussi fiers de notre couleur que peut l’être de sa naissance le gentilhomme le plus infatué. Beaucoup d’entre eux, anciens résidens

  1. Le traité outre la Hollande et le Japon, préparé par M. Dunker Curtius dès 1859, fut ratifié en même temps que les autres traités avec le Japon.