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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/861

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cite pas, du moins à Rome, d’église de ce temps élevée uniquement pour réunir les fidèles et prier Dieu, excepté peut-être Santa-Maria in Trastevere, monument singulier de la tolérance d’Alexandre Sévère. Encore en dissimulait-on la principale destination, quoiqu’une église ne fût guère alors qu’un lieu d’assemblée. La consécration proprement dite fut donnée primitivement à ces humbles, oratoires, véritables pierres du témoignage, posées en souvenir d’un martyr dans le lieu où il avait souffert, où il était mort, où il passait pour enseveli. Sainte-Praxède, Sainte-Pudentiane, Saint-Sébastien, Sainte-Agnès, Saint-Paul lui-même, ne furent d’abord que des édifices indicateurs de l’entrée des caveaux où les élus dont ils portaient le nom avaient versé leur sang ou laissé leurs os. Que ces édifices soient devenus bientôt en même temps des oratoires, des lieux de dévotion où les fidèles se sont de préférence réunis pour prier, c’est ce que le respect des morts et le souvenir des martyrs rendent fort naturel, et ainsi les celles ou chapelles sépulcrales ont été des lieux saints par excellence. Les rites qu’on y célébrait sont devenus les plus essentiels de la liturgie. Sans soumettre celle de nos temples à une critique hétérodoxe, on conçoit très bien que la communion, plus semblable alors au dernier repas du Sauveur, fût donnée primitivement sur une table. Ne croit-on pas garder à Saint-Jean-de-Latran la table sur laquelle saint Pierre a dû rompre aux fidèles le pain consacré ? Dans les oratoires des catacombes, ce rite a pu naturellement s’accomplir sur la pierre du tombeau le plus vénéré, qui devint ainsi la table et l’autel. Puis, lorsque la religion put étaler son culte à la face du ciel, elle garda, elle imita les formes imposantes ou touchantes auxquelles elle s’était accoutumée dans les catacombes. On bâtit sur le modèle des chapelles placées à l’intérieur ou à l’entrée de ces funèbres galeries les temples pour le culte extérieur. Les autels en forme de sépulcre furent dédiés, ainsi que tout l’édifice, au nom d’un saint, en souvenir de la consécration des premiers oratoires construits en commémoration des martyrs. Une église fut donc une sorte de cénotaphe : on la sanctifia, on l’anima pour ainsi dire en y transportant des reliques dont le culte fut une suite ou une exagération du respect pour la dépouille des martyrs. Pour renouveler et perpétuer les émotions attachées à la religion des catacombes, on enrichit, on rehaussa le culte, désormais public et solennel, par tout ce qu’on put exhumer de ces sombres dépôts de la piété d’un temps solennisé par de tragiques souvenirs. On essaya, par des déplacemens, des emprunts, des imitations, de reproduire artificiellement l’effet de la réalité des anciens jours ; mais, hélas ! il est rare qu’en cherchant l’illusion les hommes ne rencontrent pas la fraude. La légende vint donc s’unir à l’histoire, et la