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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/868

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avec une entière confiance le témoignage de cette Grèce crédule ou menteuse. Il nous faut donc d’autres données pour éclaircir les commencemens de l’art chrétien dans l’Occident. Ce qui vient d’être dit ne touche d’ailleurs qu’à deux ou trois portraits traditionnels. Rien encore sur la peinture d’histoire, dont nous ne séparons pas la peinture allégorique. De l’aveu à peu près unanime des historiens, l’introduction ou plutôt la renaissance de la peinture en Italie, au moins dans son application publique aux choses sacrées, devrait être attribuée à l’art byzantin, c’est-à-dire à l’art pratiqué par les mosaïstes de Constantinople. La mosaïque peut avoir en effet. dessiné la première des figures sur les murs des églises telles que nous les connaissons, et elle a ainsi pu donner plus tard naissance à la peinture religieuse du moyen âge ; mais d’abord, et sans encore contester l’hypothèse, est-il nécessaire de faire voyager la mosaïque d’Orient en Italie, où le goût et le talent n’en devaient pas avoir disparu ? On montre à Ravenne des mosaïques du commencement du VIe siècle au plus tard, et la plus ancienne de Sainte-Marie-Majeure paraît antérieure à la mort du pape Sixte III, c’est-à-dire à l’année 440. Or il n’y avait pas à cette époque cinquante ans que l’empire d’Orient s’était séparé de celui d’Occident, il n’y avait guère qu’un siècle que Constantin avait fondé sa ville, et l’on doit faire remonter jusqu’à lui, ou du moins jusqu’à une époque très voisine de son règne l’ornementation de deux édifices aussi visiblement remplis de son souvenir que le baptistère de Latran et celui de Sainte-Constance. L’art de la mosaïque n’a donc pas dû cesser d’être pratiqué à Rome. Seulement il se peut qu’il ne fût exercé que par des Grecs, et le déclin de toutes choses en Italie fut si rapide que bientôt Constantinople dut attirer les meilleurs artistes. Le mouvement et le luxe d’un empire naissant donnaient à leur talent une impulsion nouvelle et un caractère local. Un style visiblement oriental prévalut dans la représentation des êtres et des faits de l’histoire sacrée. Il prit des formes fixes, s’assujettit à des règles et s’enferma dans un cadre hiératique tout à fait contraire aux libertés que se donnait l’art gréco-romain. Ainsi Byzance a pu dans la suite, par son influence et son exemple, modifier et déterminer jusqu’en Italie, et plus loin encore, le système de décoration graphique des voûtes et des absides de nos temples. Une étiquette religieuse très précise et très détaillée gouvernait en effet dans le monde gréco-asiatique l’imagination des peintres d’église. La foi avait son dessin officiel, à peu près comme chez les modernes le blason. Non-seulement on retrouve les marques de ce formalisme en Italie jusqu’au temps de Cimabué, mais il se montre encore intact et inviolable dans l’Orient chrétien. Depuis que M. Didron a rapporté du