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pour justifier d’avance l’invocation de Dante au Jupiter suprême que nous avons crucifié sur la terre.

Nous comprendrons mieux ces premiers tâtonnemens de l’art chrétien en regardant de plus près aux peintures des catacombes. On dit que celles de Naples portent des marques encore plus visibles de l’antiquité païenne. Celles de Rome nous apprendront déjà beaucoup en ce sens, et elles commencent à être mieux connues. On doit se souvenir qu’une partie seulement, le tiers peut-être, en a été explorée, et les peintures que nous cherchons sont rares. Presque toutes les parois de ces interminables galeries ont conservé la couleur brun grisâtre du péperin. Seulement dans quelques celles ou chapelles fort espacées entre elles, la voûte est enduite de stuc ainsi que l’enfoncement ou demi-lune des niches sépulcrales. Ce sont ces surfaces concaves ou planes que couvrent souvent des dessins légers d’un bon goût d’ornementation, ou même des sujets emblématiques et des images mystérieusement religieuses. On s’accorde à regarder comme postérieures au IIIe siècle celles de ces peintures où se voient des lettres grecques, X et P, qui représentent les deux premières du nom du Christ (Ch et R), et l’X figurait en même temps la croix ; ce monogramme est réputé celui de Constantin. Naturellement l’expression pittoresque des idées chrétiennes doit être plus explicite et plus claire à partir du moment où elles sont les dogmes de la religion de l’état. Cependant, à toute époque, le symbolisme remplace presque partout la représentation directe. Les sujets sont en général tirés de l’ancien Testament ; or il est difficile de supposer que les néo-chrétiens prissent pour objet habituel de leur pensée et de leur culte Moïse frappant le rocher, Daniel dans la fosse aux lions, Jonas englouti par la baleine ou se reposant, après être sorti de Ninive, sous le lierre miraculeux dont certains interprètes font un palma-christi. De ces trois images, la première devait désigner la fondation de l’église, la seconde la passion de Jésus-Christ ou celle des premiers martyrs, la troisième, empruntée à une comparaison évangélique (Matt., XII, 39), la sainte paix qui attend le fidèle jouissant des fruits de la vigne du Seigneur. La figure du bon pasteur se rencontre, comme on l’a dit, plus d’une fois ; mais, quoique ce soit un souvenir du Nouveau Testament, elle représente paraboliquement le Sauveur des hommes en empruntant une disposition de l’art antique, celle du faune à la chèvre ou de certaines statues de Bacchus. Le goût allégorique est poussé si loin que l’on rencontre jusqu’à des personnages mythologiques comme Orphée et peut-être Mercure et Pluton. À peine voit-on çà et là quelque chose comme l’adoration des mages, ou telle figure de femme qui pourrait être la Vierge. On a même pu croire qu’une sorte d’incertitude