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mais la mémoire du saint dont on lui a donné le nom ; mais elle était bien sûrement réputée la statue de saint Hippolyte, car le siège où le personnage est assis porte gravé sur le marbre d’un côté le catalogue de ses ouvrages, de l’autre le calendrier pascal tel qu’il l’a réformé. Le caractère de ses inscriptions ne peut être plus récent que le VIe siècle ; mais la statue, en tant que commémorative de saint Hippolyte, ne peut être postérieure au IVe. Elle a été trouvée à l’ouest de Rome, en face de Saint-Laurent hors des murs, sur la Voie Tiburtine, à l’entrée d’un cimetière chrétien qui porte encore le nom de Saint-Hippolyte. Constantin le premier éleva des monumens religieux à cette place dans le champ appelé Ager Veranus. À cinq ou six lieues de Rome, non loin de l’embouchure du Tibre, il existe encore une tour Saint-Hippolyte. Elle est près de Porto, qui n’est presque plus une ville, et se réduit au palais et à l’église épiscopale, mais qui donne son titre à un des six cardinaux-évêques suburbicaires, considérés depuis plus de quinze siècles comme les suffragans, les conseillers et les électeurs du pontife romain. Et en effet les annales de l’église nomment un martyr Hippolyte, évêque de Portus urbis Romœ : c’était le port des bouches du Tibre depuis que l’ensablement de celui d’Ostia avait forcé Claude, puis Trajan à dériver les eaux du fleuve par un canal direct vers la mer. La comparaison et la discussion des textes qui mentionnent ce nom et de certains fragmens qui figurent dans les recueils établissent que ce père de l’église, renommé pour son savoir et ses écrits, était de Rome ou des environs, qu’il avait été disciple d’Irénée, disciple lui-même de Polycarpe, qui avait entendu saint Jean. Nommé évêque au commencement du me siècle, sous Septime-Sévère, Hippolyte connut les papes Zéphyrin, Calixte, Urbain, Pontien, et, atteint comme ce dernier par les persécutions qu’ordonna l’empereur Maximin, il fut avec le pontife exilé en 235 dans l’île de Sardaigne, dont l’insalubrité proverbiale faisait assimiler cet exil à la peine capitale. Pontien y mourut en effet dans l’année, et ses restes furent rapportés dans les catacombes de Saint-Calixte par Fabien, qui bientôt lui succéda. Il se peut qu’Hippolyte eut le même sort, ou bien il obtint la permission de revenir, mais ce ne fut que pour mourir de la mort des martyrs, au plus tard en 238. En tout cas, il fut inhumé dans les catacombes de la route de Tibur, auxquelles il a laissé son nom.

C’est bien de cet évêque philosophe, écrivain, théologien, martyr et saint, que l’on voit à Latran la statue. Elle n’est pas un modèle de l’art, mais elle appartient encore au style de l’antiquité, et elle est à la fois la meilleure et la plus ancienne statue d’un personnage chrétien qui soit venue jusqu’à nous. De plus, dans la salle même