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LE
SALON DE 1863

L’exposition des beaux-arts a été ouverte au public le 1er mai dernier, selon l’usage récemment consacré. Elle est un sujet de chagrin et de tristes appréhensions pour les hommes qui aiment l’art et ne s’occupent point des questions secondaires relatives aux artistes, à leur bien-être et à leur réputation d’un jour. Au-dessus de ces considérations, qui, par cela même qu’elles sont personnelles, restent soumise à des lois inférieures, il y a le souci abstrait de l’art, qui seul peut et doit relever de la critique, préoccupée de l’œuvre et volontairement oublieuse des auteurs. La décadence n’est que trop manifeste, et chaque exposition en constate les progrès. A première vue, rien ne choque, rien n’attire ; une médiocrité implacable semble avoir passé son niveau sur les œuvres exposées et les avoir réduites à un à peu près général. Les exceptions sont rares, et elles appartiennent à un petit nombre de vieux lutteurs que les fortes influences libérales d’une autre époque ont conservés jeunes au milieu d’une génération sans vigueur. On chercherait en vain une œuvre qui fût un point de départ pour une voie nouvelle ; les meilleurs tableaux ne sont encore que des souvenirs. En était-il ainsi autrefois ? Je ne le crois pas. Au salon qui s’ouvrit le 15 mars 1843, il y a vingt ans, je me rappelle le Charles-Quint ramassant le pinceau de Titien, par Robert Fleury, la Cassandre de Pradier, le portrait de Théodose Burette, par Guignet, le Ravin de Charlet, le Soir de Gleyre, le Peintre de Meissonier, l’Hélène Adelsfreit de Lemud, le Juda et Thamar d’Horace Vernet, qui du moins, malgré les faiblesses souvent trop apparentes de l’exécution, essayait dans ce