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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/987

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une louable modération, aux préfets de montrer des égards aux hommes des anciens gouvernemens qui seraient disposés à entrer dans le cercle des institutions actuelles. Quel meilleur prétexte pour cette politique de ralliement que le serment préalable introduit dans nos lois ! Il semble, après que des candidats notables ont accepté la condition du serment préalable, qu’un gouvernement habile n’ait plus autre chose à faire que de les prendre au mot, de leur donner en quelque sorte l’exemple du respect du serment, en se montrant le premier convaincu de la sincérité de l’engagement qu’ils viennent de contracter. Entraîné par la lutte, cédant à la pente du système de l’intervention administrative, le pouvoir s’est trouvé conduit à oublier les premières et heureuses inspirations de M. de Persigny et à dénoncer dans M. Thiers un ennemi ! Il était sage et habile, croyons-nous, de diminuer autant que possible le nombre de ses adversaires en se refusant à voir des ennemis dans des candidats couverts par le serment ; mais il était plus sage et plus habile encore de ne pas restreindre de propos délibéré le nombre de ses amis en désavouant quelques-uns de ceux qui prétendaient l’être et voulaient le rester. Le système de l’intervention administrative n’a pas même permis de garder cette mesure. Des candidats officiels de 1857, s’étant vu refuser en 1863 le patronage du gouvernement et ayant persisté à se présenter aux électeurs, ont été combattus avec la même violence que des adversaires déclarés : plusieurs d’entre eux ont succombé, il est vrai ; mais d’autres ont battu avec éclat l’opposition administrative. M. de Chambrun, par exemple, a eu 17,871 voix dans la Lozère, tandis que le candidat patronné, M. Joseph Barrot, n’en obtenait que 9,445. M. I. Plichon n’a pas eu une majorité moins forte. De tels échecs sont d’autant plus fâcheux qu’on les a cherchés soi-même. Le système du patronage du gouvernement a d’autres inconvéniens ; il expose le pouvoir à des contradictions inexpliquées qui peuvent déconcerter et blesser des hommes honorables et considérables. On en a eu un exemple à Perpignan. Le candidat officiel était l’ancien député, maire de la ville, M. Justin Durand. L’autre candidat était M. Isaac Pereire, qui, à ce que prétendent ses adversaires, faisait par ses agens et par lui-même, à l’ancienne mode britannique, cette opération que les Anglais appellent le canvass. Jusqu’au dernier moment, M. Durand était le candidat officiel, celui que le préfet recommandait aux populations. Huit jours seulement avant l’élection, le gouvernement fit savoir par le télégraphe qu’il renonçait à avoir un candidat officiel, qu’il demeurait neutre entre M. Justin Durand et M. I. Pereire. Justement blessé d’être abandonné après avoir été compromis, M. Durand retira sa candidature, et donna sa démission de maire et de conseiller général. Des protestations seront sans doute adressées à la chambre contre l’élection de M. I. Pereire. Cet incident n’est pas un des moins bizarres exemples des compromissions auxquelles le pouvoir est entraîné par le système des candidatures officielles. On peut en venir à demander au gouvernement la rai-