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en France et même en Europe, surtout en ce qui regarde la musique instrumentale et la symphonie. Il est bien à regretter cependant que cette vieille institution manque un peu d’initiative, et qu’elle ne comprenne pas la nécessité de varier ses programmes au milieu de ce mouvement de curiosité historique qui éclate de toutes parts. Elle est en retard sur beaucoup de points, et son comité semble ignorer qu’il y a autre chose dans le monde que le chœur a capella de Leisring, le petit chœur de Rameau, l’éternel psaume de Marcello et l’Alléluia de Haendel. Il est pénible pour la société du Conservatoire que ce soient d’autres institutions qui fassent connaître au public parisien des chefs-d’œuvre inconnus, et qu’il faille aller aux concerts de M. Pasdeloup pour entendre autre chose que les symphonies de Beethoven, d’Haydn et de Mozart. J’insiste d’autant plus sur ce défaut de courage de la société du Conservatoire et la monotonie de ses programmes, que c’est le sentiment de tout le monde que j’exprime, et particulièrement l’opinion du public éclairé qui suit depuis si longtemps ses belles séances.

Les concerts populaires de musique classique, fondés l’année dernière par M. Pasdeloup, n’ont pas été moins brillans ni moins suivis cet hiver par un public nombreux qui sent le prix des plaisirs qu’on lui procure. On dira ce qu’on voudra de M. Pasdeloup, de sa manière de conduire un orchestre, de son intelligence des mouvemens et des nuances ; mais on ne peut refuser à cet artiste plein de courage ni le désir de bien faire ni la volonté d’affermir et d’agrandir son œuvre, dont on sentira de plus en plus l’utilité et les bienfaits. Cette année, M. Pasdeloup a été plus téméraire encore : il a ajouté a son orchestre une grande masse de voix avec lesquelles il a osé aborder la neuvième symphonie de Beethoven, dont nous avons déjà parlé, et de grands et beaux morceaux de Haendel tout à fait inconnus à Paris. Ce sont là des faits qui parlent plus haut que toutes les critiques et qui prouvent que ce n’est pas le public qui fait défaut aux entreprises dignes d’être encouragées.

Trois séries de huit concerts ont été données cette année par M. Pasdeloup. Nous choisirons parmi ces nombreuses, séances celles qui nous ont paru les plus intéressantes. Au concert du 1er mars, après l’ouverture de Preciosa de Weber, on a exécuté une symphonie de Schumann, celle en mi bémol, opéra 95. Cette composition, d’une structure si pénible, n’a produit sur le public qu’un effet désastreux. La première partie est obscure et ne contient pas un motif assez saillant pour qu’il mérite d’être si longuement développé. Le scherzo ou seconde partie vaut mieux sans doute ; mais je préfère l’andante qui vient après, et qui renferme une phrase charmante qui rappelle l’inspiration de Mendelssohn. En somme, la symphonie de Schumann comme les trois quarts des compositions de ce musicien atrabilaire ne valent pas la peine qu’on se donne pour les comprendre. À l’Ouverture de la Grotte de Fingal de Mendelssohn, dont la couleur vigoureuse a fait oublier facilement la symphonie de Schumann,