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a exigée pour le meurtre d’un de ses sujets,, M. Lenox Richardson[1]. Le peuple japonais a été peu à peu amené par ses chefs à voir dans les étrangers des hommes dangereux, et s’il les accueille encore avec politesse, on s’aperçoit qu’il cède le plus souvent à un sentiment de crainte.

À l’ouest de la baie, en face de Nagasacki, se trouve l’établissement russe, situé près du village indigène d’Inassa. Les Russes ont pris au Japon l’habitude de s’isoler des autres étrangers. Tandis que les commerçans et fonctionnaires français, anglais, américains et hollandais demeurent sans exception sur la plage orientale de la baie, aux portes de Nagasacki et au centre des affaires, les Russes se sont retirés à Inassa, petit village peuplé de moines, de pêcheurs et d’agriculteurs. Il est évident que les intérêts qu’ils poursuivent dans l’extrême Orient sont tout autres que les intérêts anglais ou français. Ce n’est point le commerce qui les occupe : ils n’ont pas de représentant à Yokohama, où l’on traite le plus d’affaires, et pas un négociant russe n’est jusqu’à présent venu s’établir au Japon. Seulement à Hakodaté, ville fort industrieuse, mais sans débouchés étrangers, et que pour cette raison Anglais et Américains ont négligée, à Hakodaté, qui fait face aux ports de la Mandchourie, stationne constamment une petite flottille de vapeurs russes. On est fort étonné d’y trouver la même nation représentée par un consul-général, un médecin et un prêtre installés à demeure ; on y a fondé un hôpital, construit un chantier et pris un ensemble de mesures d’où ressort l’intention évidente de créer là un. établissement durable. Le gouvernement russe a la passion de certains riches propriétaires : il ne néglige rien pour arrondir, ses domaines. L’île de Yezo, dont, Hakodaté est le chef-Heu, compléterait fort bien ses dernières acquisitions dans l’extrême Orient, et il n’y a pas à douter que dans un avenir prochain il ne saisisse le premier prétexte de s’en rendre maître.

Akonoura, autre dépendance de îNagasacki, voisine d’Inassa, est aujourd’hui en pleine voie de prospérité. Ce petit village appartenait jadis à un prince japonais qui y faisait fabriquer tant bien que mal le matériel en fer nécessaire à la construction des navires ; mais, depuis plusieurs années déjà, le gouvernement du taïkoun a acquis la propriété de ce territoire ; puis, avec le secours des ingénieurs et des mécaniciens qu’il a fait venir de Hollande, il a fondé à Akonoura une sorte d’école pratique de construction navale : d’excellens élèves y ont été formés dans le cours de quelques années, et maintenant les Japonais sont en état de construire des bateaux à

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1863.