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autres l’unité du pouvoir, pour ceux-ci l’autorité, pour ceux-là une liberté sage, pour le plus grand nombre le triomphe de la démocratie, pour tous la dignité de la France au dehors. » Voilà des intérêts et des opinions de plus d’une sorte, une coalition on ne peut mieux caractérisée, et M. de Persigny ne dissimule point que « c’est avec ces élémens divers que se forma ce qu’on peut appeler le parti du gouvernement. » S’expliquera qui voudra comment, avec une idée semblable de ce qu’était son parti, M. de Persigny a pu trouver habile de faire du mot de coalition une injure politique ! Il est vrai que, si l’ancien ministre fait si bon marché de la formation de son parti dans le passé, c’est que tout à coup, grâce aux élections générales, la situation de ce parti s’est heureusement et profondément modifiée. Les dernières élections, pour accélérer la cohésion des divers élémens du parti gouvernemental, ont suppléé à l’action du temps, « Dans le corps législatif comme dans le pays, le parti du gouvernement est désormais constitué. »

Si l’opposition eût cru à la possibilité du succès, si elle eût entamé la campagne électorale avec toutes ses ressources et avec toute l’énergie dont elle est capable, si elle avait obtenu cent voix de plus, c’est alors, pour le coup, que l’œuvre de cohésion et de fusion de la coalition gouvernementale eût marché vite, et que la constitution du parti du gouvernement eût gagné en force et en solidité ! Mais pourquoi M. de Persigny voudrait-il que nous eussions moins de confiance et de fierté pour la cause de la liberté qu’il n’en a Lui-même pour les idées et les intérêts que le gouvernement représente ? La liberté est-elle moins nécessaire à la sécurité et à la gloire du pays ? A-t-elle moins de prestige auprès des imaginations généreuses ? A-t-elle une puissance inférieure d’attraction et de cohésion ? La liberté est soumise, pour la formation, le développement et la constitution de son parti, aux conditions qui, de l’aveu de M. de Persigny, ont régi nécessairement le parti du gouvernement. Dans un pays dont le sol a été jonché par les révolutions des débris de plusieurs régimes politiques, aucun parti, au pouvoir pas plus que dans l’opposition, ne peut se former avec des élémens nouveaux. On commence par la coalition, mais on finit, comme le dit M. de Persigny, par la fusion et la cohésion. Cela dépend du temps et surtout des obstacles rencontrés en commun et des résistances vaincues ensemble, qui augmentent, entre les élémens d’origine diverse dont les partis se composent, l’unité des opinions et la solidarité des intérêts. À ce compte, M. de Persigny peut juger, par la vigueur de ses efforts contre l’opposition libérale, de la force de cohésion qu’il lui a donnée. S’il est autorisé à proclamer la formation définitive du parti du gouvernement, à plus forte raison avons-nous le droit d’annoncer la constitution certaine du parti de la liberté, et la puérilité du reproche de coalition nous touche si peu que nous ne désespérons point de faire entrer un jour le parti du gouvernement lui-même dans les cadres du parti de la liberté. Nous ne pouvons approuver la façon dont M. de Persigny veut établir un