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la pression du mouvement des choses : on peut dire d’elles, en employant cette expression platonicienne empruntée au Philèbe par la philosophie moderne, qu’elles sont dans un état perpétuel de devenir ; mais, sans s’égarer dans l’idéologie politique, il est possible, puisqu’une circulaire ministérielle et une note du Moniteur nous en fournissent l’occasion, de présenter quelques observations pratiques sur les conditions de la responsabilité ministérielle et sur le plébiscite de 1851.

Les deux premières propositions du plébiscite soumis à la sanction populaire par la proclamation du 2 décembre 1851 sont ainsi conçues : « un chef responsable nommé pour dix ans, des ministres dépendans du pouvoir exécutif seul. » Quand on relit aujourd’hui les termes de ce document célèbre, et lorsqu’on en recherche la signification, on est frappé avant tout de la vérité de ce que nous venons de dire touchant la mobilité des constitutions. Le plébiscite de 1851 a déjà obéi à la loi du devenir : la première de ses dispositions n’existe plus ; elle a été remplacée par le plébiscite qui a proclamé l’empire. Or, qu’on le remarque, les deux premières propositions du plébiscite de 1851 étaient dans leur connexité parfaitement logiques. La responsabilité politique ne s’entend plus, à l’époque où nous sommes, au sens pénal : cette responsabilité est toute morale ; elle soumet les agens supérieurs du pouvoir au jugement de l’opinion, laquelle, produisant ses arrêts par des organismes variables, maintient au pouvoir ceux qui obtiennent son approbation, ou retire la direction des affaires à ceux qu’elle condamne. Dans le régime monarchique parlementaire, le chef du pouvoir exécutif, étant supposé immuable, est supposé également irresponsable. La responsabilité, qui implique non-seulement le mérite et le démérite, mais encore, comme sanction pénale, la perte ou la conservation du pouvoir, ne peut atteindre, sous la monarchie parlementaire, que les seuls agens variables du pouvoir, les ministres. De même, sous cette forme de gouvernement, l’action souveraine de l’opinion ne se manifeste que par l’élection des députés, et c’est inévitablement la chambre qui devient l’organe régulier de l’opinion dans les jugemens efficaces qu’elle porte sur l’élément mobile du pouvoir. Ce n’est point parce qu’elle est aristocratique, comme M. de Persigny semble le croire, que l’Angleterre pratique la responsabilité ministérielle, c’est purement et simplement parce qu’elle est monarchique, et que, le pouvoir n’étant pas responsable dans la personne de la reine, il faut bien, pour que la nation exerce son souverain contrôle et remporte au besoin la dernière victoire, que le pouvoir soit responsable dans la personne des ministres. Quand la France pratiquait la responsabilité ministérielle, ce n’est pas une forme monarchique qu’elle imitait dans l’exemple de l’Angleterre, ou mieux elle n’imitait rien ni personne ; elle ne faisait qu’observer les seules conditions efficaces de la responsabilité qui se puissent concilier avec la forme monarchique. Ces conditions sont différentes sous la forme républicaine. Là, le chef du pouvoir exécutif est directement responsable devant le pays ; là, cette responsabilité a la sanc-