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DU
SUFFRAGE UNIVERSEL
A PROPOS D'UN LIVRE DE M. STUART MILL.

Le public anglais s’est fort occupé, il y a quelque temps, d’un ouvrage de M. Stuart Mill sur le gouvernement représentatif. Dans cet ouvrage, qu’une traduction récente rend accessible aux lecteurs français[1], l’éminent publiciste a consacré au suffrage universel des pages que nous ne saurions trop méditer, même en les combattant sur quelques points. Aucune pensée hostile à cette grande institution n’anime M. Mill. De même, dans l’examen que nous voudrions faire de ses théories, et dans quelques aperçus que nous lui opposons, il n’entrera qu’un seul dessein, celui de rechercher comment l’institution dont M. Mill croit la pratique admissible en Angleterre pourrait se .développer en France par ses meilleurs côtés. Loin de vouloir être compté parmi les détracteurs de cette forme nouvelle de l’intervention du peuple dans les affaires du pays, nous croyons au contraire qu’il serait difficile d’admettre les tendances restrictives du livre de M. Mill, qui nous donne pourtant plus d’un profitable enseignement.

Le suffrage universel, base de notre établissement politique d’aujourd’hui, a parfois irrité les uns et souvent aussi imposé rudement silence aux autres; mais il est évident pour tous que c’est en elle-même seulement que cette puissante forme électorale trouvera les moyens de réformer les excès ou les faiblesses inséparables de toute combinaison humaine. Éprouvé par une expérience de quinze années, espace de temps prédestiné après lequel les choses et les

  1. Le Gouvernement représentatif, par M. Stuart Mill, traduit et précédé d’une introduction par M. Dupont-White, 1 vol. in-12; 1862.