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M. Assollant, un disciple de M. About par certains côtés, non pas des meilleurs, se présente cette fois avec trois nouvelles : Jean Rosier, Claude et Juliette, Rose d’Amour. Ces nouvelles n’ont rien de satirique dans leur donnée, et ne contiennent que des croquis de mœurs champêtres. Si nous parlons ici de M. Assollant, c’est qu’il affectionne le ton de persiflage adopté par M. About, et qu’il ne s’en défait pas même dans les sujets où il devrait user de la plus grande simplicité. Le défaut de mesure et de goût est d’ailleurs un trait commun entre lui et les deux romanciers dont nous venons de parler. Bien qu’il leur abandonne la crudité et le cynisme, il n’est guère plus soucieux de la vérité des caractères. Pour mettre dans le récit une note plaisante qui sonne faux très souvent, il emploie des procédés mesquins. Tantôt c’est une comparaison tirée de loin, dans le goût de celles de M. About : il nous dit qu’un soldat « eut le ventre percé comme une barrique de bon vin, » qu’une fiancée de village était « belle comme une bonne grosse citrouille ; » tantôt il répète, pour nous égayer, cette formule stéréotypée : « Jean Rosier, de la 1re  du 2e  de la 15e demi-brigade de la république française, une et indivisible. »

Les nouvelles de M. Assollant ne peuvent guère s’analyser. Rose d’Amour est la plus jolie du volume. L’héroïne de ce petit roman se confesse elle-même dans un langage qui n’est pas toujours celui d’une paysanne, bien qu’il ne soit dépourvu ni d’aisance ni de charme ; c’est l’auteur qui conte agréablement une bluette, ce n’est point une fille de la campagne qui s’exprime avec simplicité. Si M. Assollant se fût soucié un peu plus d’accommoder la forme au fond du récit, il aurait pu tirer un meilleur parti de ces histoires de village. Otez-en les taches volontaires dont l’auteur se fait gloire apparemment ; qu’un parfum de franche rusticité s’en dégage, vous aurez de petites études de la vie champêtre qui vous initieront aux sentimens et aux habitudes d’esprit de toute une classe de gens. Un bon peintre de mœurs se révèle dans le moindre tableau. M. Assollant renoncera-t-il aux bizarreries d’une fantaisie et d’un style trop dédaigneux de la vérité ? Voudra-t-il écrire avec plus de naturel ? Nous avons cru apercevoir dans Rose d’Amour un léger progrès en ce sens : le prochain ouvrage de M. Assollant nous dira s’il entend marcher dans cette voie ou reprendre, à ses risques et périls, les erremens de Marcomir et de Cadet Borniche. Autant la gaîté sincère et opportune d’un écrivain amuse le lecteur, autant l’affectation de la gaîté le fatigue.

Pousserons-nous plus loin cette étude du roman contemporain ? Nous risquerions fort de nous perdre au milieu de régions stériles, dont presque rien ne compense l’aridité. Essayons toutefois, par un dernier exemple, de montrer les résultats ridicules auxquels on peut arriver quand on a pris le parti de se moquer de la logique et du style. Bien fin qui distinguerait dans le roman de M. Marc Bayeux, la Sœur aînée, le germe d’un talent d’écrivain. La donnée du livre n’était cependant pas mauvaise : avec