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stitutionnel donné en 1815 et retiré en 1831 au grand-duché de Varsovie ; elles tendent à l’indépendance et à l’affranchissement national non-seulement du royaume, mais des provinces qui en furent détachées par le premier partage. Personne n’ignore la portée de l’aspiration polonaise. Les Polonais la proclament, les Russes la dénoncent, et il faudrait que les diplomaties de France, d’Angleterre et d’Autriche n’eussent ni yeux ni oreilles pour l’ignorer. Pourtant, avec un flegme dont le sérieux peut paraître puéril aux esprits superficiels, les trois graves ministres des affaires étrangères de France, d’Angleterre et d’Autriche demandent pour la Pologne le régime constitutionnel qui a eu ses racines dans les traités de 1815.

La seule explication de cet apparent contre-sens, et elle est légitime, c’est que la diplomatie ne pouvait prendre possession de la question polonaise qu’en s’établissant sur le dernier traité, sur le dernier acte de légalité diplomatique où l’on ait eu la prétention de régler l’état de la Pologne. Il n’y a en effet que deux façons pour les peuples et les gouvernement déborder les questions de politique étrangère : il y a le système révolutionnaire et le système de la diplomatie régulière. Le système révolutionnaire cherche dans le droit absolu et abstrait ou dans des raisons, de convenance générale la justification de ses actes d’intervention au dehors. En vertu de ces titres, il néglige ou brise le droit écrit, tel qu’il résulte des contrats existans et des traités en vigueur. La méthode diplomatique régulière, se fondant sur le respect du droit écrit, ne puise ses titres et ses argumens que dans les conventions et les traités. Nous ne prétendons point, quant à nous, condamner absolument la revendication du droit par voie révolutionnaire. Les arrangemens de ce monde élèvent quelquefois de si révoltantes contradictions entre la légalité littérale et le droit, que nous ne saurions refuser à la justice la faculté exceptionnelle de briser les entraves dans lesquelles une légalité hypocrite essaie d’étouffer son énergie et de masquer ses traits augustes ; mais ce serait faire trop beau jeu à l’arbitraire que d’admettre autrement qu’à de rares exceptions la légitimité du système révolutionnaire dans les relations de peuple à peuple, de gouvernement à gouvernement. De même qu’il n’y aurait plus de société civile sans le respect des contrats, de même il n’y aurait plus de sécurité internationale et de droit des gens sans le respect des traités. S’il suffisait, pour échapper à ses engagemens et satisfaire ses convoitises, d’invoquer de grands principes et de pompeuses maximes, les prétextes ne manqueraient jamais aux despotes et aux spoliateurs. En pensant à la Pologne, on ne peut oublier que les ravisseurs de son indépendance, avant que le mot fût entré dans la langue politique, s’étaient servis du système révolutionnaire pour commettre contre elle leurs premiers attentats. Nous reconnaissons que jamais peuple n’a eu plus que la Pologne le droit de détester et de déchirer les traités qui ont réglé sa condition présente, et que jamais traités n’ont pu avoir moins de vertu aux yeux de ceux qui voudraient réparer les injustices dont la Pologne a été victime. Cependant l’état actuel de l’Europe ne