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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/507

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implique celle de la Pologne d’un côté, de l’autre celle d’une grande partie de la Thuringe, c’est-à-dire d’un pays qui, depuis Luther et Mélanchthon jusqu’à Goethe et Schiller, est resté à la tête de la civilisation allemande. La position centrale de la Saxe l’a d’ailleurs mise en contact avec tout le reste de l’Allemagne et la plus grande partie de l’Europe ; Son gouvernement, dont les agens à l’extérieur étaient depuis longtemps nombreux et actifs, n’était resté étranger à aucune des grandes affaires qui avaient agité les derniers siècles. De plus, les usages constans d’un vieux despotisme administratif avaient accumulé entre les mains de l’état un nombre infini de documens et de correspondances, le gouvernement revendiquant, après la mort des princes de la famille régnante ou des fonctionnaires, tous les papiers qui se trouvaient en leur possession, souvent même les plus étrangers aux intérêts publics. C’est avec ces matériaux que fut formée à Dresde en 1834 l’Archive royale de Saxe, qui comprend plus de trois cent mille documens et une série considérable de correspondances.

M. de Weber, appelé depuis quatorze ans à la direction de ces archives, a commencé par y mettre en ordre les documens modernes ; de concert avec le gouvernement saxon, il en a facilité l’accès aux travailleurs allemands ou étrangers ; payant enfin d’exemple, après avoir convié les savans à ne pas négliger une source d’informations féconde ; il y a puisé lui-même et a livré au grand jour ce que d’autres à sa place auraient peut-être soigneusement caché. On ne saurait trop répéter qu’une publicité si libérale fait grand honneur à l’archiviste et à son gouvernement. Nous savons plus d’un état où il serait à désirer qu’on s’inspirât d’un tel exemple.

La première publication de M. de Weber, Aus vier Jahrhunderten, présente en quatre volumes un ensemble complet par lui-même. Dans ce vaste cadre de quatre cents ans, ou plutôt de trois cent cinquante environ, car l’ouvrage commence au XVIe siècle seulement pour s’étendre jusqu’à nos jours, s’offre à nous un curieux mélange de documens historiques n’ayant entre eux aucun lien, si ce n’est celui d’une habituelle relation avec l’histoire saxonne, mais fort instructifs pour qui veut pénétrer dans la vie des temps passés. Nulle part on ne trouvera des détails plus précis sur la condition des petites cours allemandes aux XVII et XVIIIe siècles, sur les superstitions et les passions populaires, et sur maints personnages excentriques, produits de ces passions eux-mêmes, ou qui les ont exploitées. Cet ouvrage devient plus particulièrement précieux pour nous quand il donne les lumières les plus inattendues sur les événemens ou les personnages qui nous touchent de plus près. Par exemple M. de Weber a rencontré dans les papiers d’un baron de Just, envoyé saxon en Angleterre au commencement de 1816, un écrit rapportant une conversation qui eut lieu entre Napoléon et M. Littleton, membre du parlement anglais, à bord du Northumberland, dans la journée du 7 août 1815. Las Cases et d’autres historiens disent quelques mots de cette conversation sans la rapporter ni sans doute la connaître en entier. M. de Weber s’est livré à une longue recherche bibliographique au sujet de cet écrit ; il est arrivé, grâce seulement aux célèbres Notes and Queries, à ce résultat que ladite conversation a tout au plus été publiée, peut-être par extraits, dans une brochure tirée a cinquante-deux exemplaires et introuvable aujourd’hui. Bien que la