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nouvelle à Shang-haï. Aussitôt, par l’organe du North China Herald, du Daily Press et des autres journaux de la Chine, elle se répandit parmi les communautés étrangères. A quelque temps de là, on apprit que les Russes, ne se souciant probablement pas d’attirer sur eux l’attention d’un public très soupçonneux et très clairvoyant, avaient subitement pris le parti d’abandonner leur récente conquête. Ils ne s’éloignèrent pas d’ailleurs sans protester de leurs intentions pacifiques et sans rejeter sur les Anglais eux-mêmes le projet d’établissement qu’on leur avait prêté, projet dont la présence des bâtimens russes dans les eaux de Tsou-sima aurait fait avorter l’exécution. Quoi qu’il en soit de ces griefs réciproques, l’île devait à la jalouse surveillance dont les Anglais et les Ruses s’honoraient à l’envi d’être délivrée de ses envahisseurs et d’appartenir de nouveau et tout entière à ses maîtres naturels.

Nous ne connaissions rien du dénoûment de cette affaire, et, en approchant de Tsou-sima, nous explorions à l’aide de nos lunettes la mer et le rivage dans l’espoir d’apercevoir à l’horizon les couleurs du pavillon moscovite. La baie était sillonnée de jonques et de bateaux de pêche, les anses de la côte abritaient des bâtimens japonais de toute espèce, mais nous ne vîmes aucun navire européen. Nous reportâmes alors toute notre attention sur la contrée qui se déroulait à nos yeux : à première vue, elle nous parut être digne des éloges que lui ont prodigues les rares voyageurs qui l’ont visitée en passant.

L’île de Tsou-sima s’étend dans la direction du nord au sud, entre les degrés 129-130 de longitude est et 34-35 de latitude nord, sur une longueur de trente-six milles; sa largeur moyenne est de huit milles. Un bras de mer la divise en deux parties à peu près égales, et qu’on a nommées Tsou-sima du nord et Tsou-sima du sud; ce détroit, large à l’occident, mais resserré et non navigable de l’autre côté, forme un golfe magnifique au fond duquel a été bâtie la ville de Fat-chou. Elle compte quelques milliers d’habitans, et sert de point de transit aux relations commerciales que le Japon entretient avec la Corée. Tsou-sima est de formation volcanique. Le climat est sain et tempéré. Le paysage, riche et varié, présente une succession de montagnes et de collines cultivées, boisées et coupées de vallons qu’arrogent des rivières limpides. Au centre de l’île, à une hauteur considérable au-dessus de la mer, on trouve des lacs dans le voisinage desquels règne sans cesse, même pendant les plus fortes chaleurs de l’été, une température agréable. Tsou-sima est un des endroits les plus salubres de l’extrême Orient; mais cette île est trop éloignée et de Shang-haï et de Saigon pour que l’acquisition en puisse être désirable pour les Anglais ou les Français. Les Russes