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lande rase qu’on avait ensemencée était restée couverte de flaques d’eau sous lesquelles la graine n’avait pu lever; puis, quand l’eau s’était évaporée sous les rayons du soleil d’été, le sable chaud avait brûlé la plupart des germes; seulement sur les plus hauts renflemens du sol poussaient quelques arbres étiolés, semblables à de grêles touffes de bruyères. Aussi l’insuccès avait-il découragé bien des agriculteurs : d’après l’opinion générale, les landes étaient condamnées à rester à jamais désertes.

Cependant le remède était facile à trouver. Il s’agissait tout simplement d’appliquer en détail sur chaque domaine le système des canaux d’écoulement déjà pratiqué de distance en distance sur le bord des ruisseaux. La nature sablonneuse du terrain et l’uniformité de la pente générale du plateau favorisent singulièrement ce genre de travail. Il suffit de creuser dans la direction de la déclivité des fossés parallèles d’un demi-mètre de profondeur moyenne, et les eaux de pluie qui tombent dans la lande traversent aussitôt les sables pour s’écouler dans les fossés et descendre soit vers les étangs, soit vers la Gironde. Même pendant les plus violentes pluies, la surface du sol reste toujours sèche, et l’on peut y semer des glands ou des graines de pin sans craindre que la semence soit pour ainsi dire étouffée sous les eaux stagnantes. Les plantes, qui se trouvent alors dans des conditions normales, germent au printemps et croissent avec assez de rapidité pour résister parfaitement aux chaleurs estivales. Un ingénieur, M. Chambrelent, a le premier appliqué ce système d’assainissement sur une grande échelle, et pour son coup d’essai il a choisi en 1849, dans le voisinage de Cestas, des landes tellement basses que pendant six mois on ne pouvait les parcourir que monté sur de hautes échasses. Le sol est si facile à travailler que le creusement de chaque mètre courant de fossé lui revint seulement à 5 centimes[1], soit à 20 francs par hectare, et, grâce à la faible pente de ces canaux d’écoulement, ils sont encore aussi réguliers, et font aussi bien leur office qu’au premier jour. Les arbres semés ont prospéré d’une manière presque merveilleuse : parmi les pins, on en remarque un bon nombre qui ont cru de près d’un mètre par an, bien que leur racine pivotante se soit depuis longtemps butée contre la couche imperméable de l’alios. Cependant, si cette couche était trop rapprochée de la surface, les semences germeraient à peine, et les jeunes plantes, chênes ou pins, périraient infailliblement.

En principe, on ne saurait douter que les arbres dont la racine est destinée à pivoter végètent plus à leur aise dans les terrains pro-

  1. Le prix minimum est maintenant de 6 centimes par mètre de fossé, soit 24 francs par hectare.