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Il m’a toujours semblé que la culture du cacaotier se prêtait admirablement aux habitudes et à la constitution des émigrans européens. Tout le labeur s’accomplit à l’ombre. Il faut ajouter pourtant que les résultats en seraient mesquins, si on n’arrivait pas à élever l’arbre et à en préparer les produits par des procédés plus perfectionnés que ceux dont on se sert ici. Le fruit, de forme oblongue, mesure de six à huit pouces. Les graines sont enveloppées dans une masse de pulpe blanche, qui, mêlée à l’eau, donne une délicieuse limonade, et, bouillon graduellement réduit, une gelée excellente. »


L’imperfection du travail agricole dans ces pays si incomplètement civilisés pourrait à certains égards s’expliquer par l’insuffisance du régime alimentaire. Le climat de la vallée des Amazones, climat épuisant, réclamerait une nourriture aussi réparatrice que celle dont on use au nord de l’Europe. Le voyageur anglais ne tarda pas à s’en convaincre par lui-même, et, après avoir vainement essayé de se sustenter exclusivement avec des légumes et des fruits, — ne pouvant s’habituer d’ailleurs au poisson salé, qui joue un si grand rôle dans la nourriture des Brésiliens, — il dut, en bien des circonstances, interrompre ses excursions purement scientifiques et pêcher ou chasser pour ne pas mourir de faim. Cette nécessité le mit en rapport, au mois de janvier 1849, avec le senhor Raimondo, Indien civilisé, charpentier de son état, domicilié avec sa famille sur les bords du Murucupi. Quoique très industrieux, il semblait très pauvre, et c’est, paraît-il, la condition de presque tous ses voisins. Ils ont cependant des plantations considérables, soit en manioc, soit en maïs, sans parler de petits lots de terre où ils cultivent le cotonnier, le café, la canne à sucre. Le sol est très fertile ; ils n’ont aucun prix de location à payer ; aucun impôt ne les grève ; enfin, à vingt milles de là, le marché de Pará leur est ouvert, avec lequel ils communiquent aisément grâce à la rivière, et où ils peuvent écouler le surplus de leur production. Leur pauvreté donc pourrait sembler inexplicable. Elle a deux causes principales, selon M. Bates. La première est une façon d’envisager la propriété qui touche de fort près à l’idée communiste. Les gens de campagne, Indiens ou mamelucos, paraissent en effet sous le coup de cette idée fixe que leur voisin ne saurait avoir droit à plus de bien-être qu’ils n’en ont eux-mêmes. Si quelqu’un d’entre eux vient à manquer soit de nourriture, soit d’un outil quelconque, ou d’un canot par