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ment. Leur surprise s’exprime par un claquement de la langue contre les dents, semblable à celui qu’on entend chez nous en pareil cas, ou par cette exclamation contenue : Hum ! hm! Avant que j’eusse fini, cinquante ou soixante spectateurs s’étaient assemblés, et cependant il n’y avait ni tumulte, ni façons grossières, les femmes faites laissant passer devant filles les jeunes filles et les enfans, et chacun se conduisant avec tout le calme et tout l’ordre possibles. »


Les Mundurúcus, établis, nous l’avons dit, sur les bords de la rivière Tapajos, et principalement sur la rive droite du 3e au 7e degré de latitude sud, forment une population totale d’environ vingt mille âmes, et peuvent mettre sur pied, assure-t-on, jusqu’à deux mille hommes de guerre. On ne les connaissait pas encore il y a quatre-vingt-dix ans, époque où ils se révélèrent tout à coup en attaquant les établissemens européens formés dans la province de Maranham. Vers le commencement de ce siècle, les Portugais firent avec eux une paix solennelle, et contractèrent un traité d’alliance cimenté par la haine commune que les deux nations portaient aux Múras. Depuis lors, les Mundurúcus sont restés les fidèles amis des blancs, et, comme ils étaient à la fois les plus guerriers et les plus industrieux des peuples aborigènes, leur alliance a compté pour beaucoup dans les progrès que la civilisation a pu faire au sein de ces régions lointaines, où le gouvernement central n’exerce qu’une autorité presque nominale. Ils plantent le manioc sur une large échelle et vendent le surplus de leur consommation à des trafiquans qui, partis de Santarem, remontent annuellement la rivière pendant les mois d’août et de janvier. Ils recueillent aussi en grande quantité, dans leurs forêts, la salsepareille, la gomme élastique et les fèves tonka. Dès qu’ils arrivent aux campinas, c’est-à-dire à la région médiocrement boisée qu’habite au-delà des cataractes le principal noyau des Mundurúcus, les trafiquans commencent à distribuer parmi les chefs inférieurs les marchandises qu’ils ont apportées, — cotonnades à bon marché, hachettes de fer, coutellerie, mercerie, cachaça, — et ils doivent ensuite attendre trois ou quatre mois la contre-valeur stipulée pour l’échange.

Un changement rapide s’opère dans les habitudes de ces Indiens, dont le principal chef, nommé Joaquim, a reçu, comme récompense de l’aide qu’il prêta aux autorités légales pendant la rébellion de 1835-36 un grade élevé dans l’armée brésilienne. Le tatouage de leurs enfans devient de plus en plus rare. L’usage où ils étaient jadis de couper la tête à l’ennemi qu’ils avaient tué pour en décorer leurs habitations en guise de trophée s’efface de plus en plus, et tend à disparaître complètement. La guerre subsiste pourtant encore à l’état normal entre les diverses tribus, entre les Mundurúcus par exem-