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« Quant à sa mesquinerie, on peut en donner pour preuve l’insuffisance des traitemens de toute sa cour, de tous ceux qu’il emploie, mais surtout l’économie qui préside aux fêtes qui se donnent à ses frais. Personne ne s’en mêle que lui, et il règle tout lui-même, jusqu’au nombre des bougies………………

« La haine entre les deux derniers rois de Prusse et d’Angleterre commença par une querelle de leur enfance, et dura jusqu’à leur mort avec une persistance et une vivacité réciproques. George appelait Frédéric : « Mon frère le sergent. » Frédéric appelait George : « Mon frère le maître à danser. » Quand le roi de Prusse fut au lit de mort, entouré de la reine, de ses fils, etc., il demanda au prêtre : « Pour aller en paradis, dois-je pardonner à mes ennemis? » Sur la réponse que cela était absolument nécessaire, il se tourna vers la reine et lui dit : « Eh bien donc! Dorothée, « écrivez à votre frère; dites-lui que je lui pardonne tout le mal qu’il m’a fait. Oui, dites-lui que je lui pardonne, mais attendez que je sois mort. »……………………

« En Angleterre, nous regardons la bataille de Rosbach comme la victoire la plus glorieuse et la plus complète de Frédéric II. Elle mérite certainement le premier nom, puisqu’il la gagna avec dix-huit mille hommes contre soixante mille; elle ne mérite pas le second, puisqu’il n’y eut pas, en tout, plus de cinq mille tués ou pris. On crut chez nous que cette journée mettrait fin à la guerre d’Allemagne, et on en voulut tellement à sir Andrew Mitchell d’avoir soutenu, dans plusieurs dépêches, que les conséquences seraient beaucoup moindres, qu’il fut rappelé et qu’on envoya sir Joseph Yorke à sa place. Celui-ci, en arrivant à Berlin, reconnut la vérité des assertions de sir Andrew et s’empressa de l’écrire, de sorte que l’un reprit son poste et que l’autre retourna à La Haye.

« Les Français, animés par leur succès contre le duc de Cumberland, s’imaginaient anéantir l’armée de Frédéric et l’emmener prisonnier à Paris. Lui, de son côté, les traitait avec le plus grand mépris. Il était à table quand on vint lui dire qu’ils étaient en pleine marche, sur quoi il répondit : Dînons premièrement et puis nous verrons. En effet, à trois heures, il était campé, sans préparatifs, sans avoir son monde sous les armes, et à cinq heures il était vainqueur. Si la dernière guerre donne de nombreuses preuves de ses talens militaires, il n’en est pas de même de son humanité. En Saxe, il entra dans une maison avec le comte Bruhl, et se mit à frapper avec sa canne, brisant un grand panneau de glace et restant là pour s’assurer que ses gens achevaient l’œuvre de destruction. Peut-être son avarice lui donnait-elle du goût pour ces pillages, car le butin fut envoyé à Berlin, et, en le vendant à des Juifs, il tira vingt mille écus de ce qui, avant d’être saccagé, en valait bien deux cent mille. Son fort n’est pas tant son courage et ce que nous appelons généralement conduite des opérations qu’un merveilleux discernement au jour du combat, un don particulier de prendre ses dispositions, de choisir le terrain qui convient à chaque arme, infanterie et cavalerie, et le plus rapide coup d’œil pour reconnaître le point faible de l’ennemi……………………

« Quand j’étais à Dresde, M. Stanhope me montra la correspondance de