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Mais, s’il n’y a pas dans la nature de puissance qui agisse conformément à un but, comment se produisent ces appropriations qui nous émerveillent? Selon Büchner, c’est l’énergie des élémens et des forces de la matière qui, dans leur rencontre fatale et accidentelle, ont dû donner naissance à d’innombrables formes, lesquelles devaient se limiter mutuellement, et se répondre en apparence les unes aux autres, comme si elles étaient faites l’une pour l’autre. Parmi toutes ces formes, celles-là seules ont survécu qui se sont trouvées appropriées d’une manière quelconque aux conditions du milieu. Que de tentatives malheureuses ont dû être faites et ont avorté parce qu’elles n’ont pas rencontré les conditions nécessaires à leur existence!

C’est ici que le livre de Darwin vient heureusement à l’appui du docteur Büchner pour lui fournir le principe dont il a besoin pour expliquer la disparition de certaines espèces, la conservation des autres. Le système de Darwin repose sur deux principes, le principe de l’élection naturelle, le principe de la concurrence vitale. Toutes les races vivantes se disputent la nourriture, toutes combattent les unes contre les autres pour la conservation et pour l’empire. Cet état de guerre, que Hobbes rêvait seulement entre les hommes primitifs, c’est la loi universelle de la vie animale. Dans cette lutte, les moindres avantages peuvent servir à donner la supériorité aux uns sur les autres, à assurer la conservation de certaines formes et la disparition de celles qui étaient moins favorisées. La conformité du but n’est donc qu’un résultat, et non une intention; c’est le résultat de certaines causes naturelles, qui ont amené accidentellement ces diverses appropriations.

Après avoir cherché à établir que la force active de la nature ne peut pas être séparée de la nature elle-même, les matérialistes emploient les mêmes argumens pour présenter cette autre force que nous appelons âme comme une simple fonction de l’organisation. Suivons encore ici les raisonnemens de l’école.

S’il y a une proposition évidente pour le physiologiste et le médecin, c’est que le cerveau est l’organe de la pensée, et que l’un est toujours en proportion de l’autre. La grandeur de l’intelligence est en rapport avec la grandeur, la forme, la composition chimique du cerveau. Parlons d’abord de la grandeur. Les animaux qui n’ont pas de cerveau, ou qui n’en ont que des rudimens, sont placés au plus bas degré de l’échelle intellectuelle. Si quelques animaux paraissent avoir un plus grand cerveau que l’homme, c’est surtout par le développement des parties qui président aux fonctions de relation et de sensation ; mais celles qui président aux fonctions propres de la pensée sont plus petites que chez l’homme. La forme du