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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/908

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la firent reculer sans la vaincre définitivement. Au commencement de notre siècle, une expérience capitale de Schwann fit faire un pas décisif à la question, dans un sens contraire à la génération spontanée. La science semblait avoir abandonné ce problème, lorsque M. Pouchet le remit à la mode par des expériences qui ont fait du bruit, et qui, suivant lui, étaient démonstratives de la génération sans germes. Les anti-vitalistes triomphaient quand un autre savant, un de nos chimistes les plus éminens, M. Pasteur, a repris la question et l’a poussée à peu près aussi loin qu’on peut aller aujourd’hui : dans les expériences les plus délicates, les plus ingénieuses et les plus solides, il a réfuté tous les argumens des hétérogénistes, et je crois pouvoir dire que, dans ce grand débat, l’Académie des sciences et la grande majorité des savans lui ont donné raison.

Il nous serait difficile ici d’entrer dans le détail des discussions expérimentales qui ont eu lieu. Contentons-nous de donner une idée générale et philosophique de la question. Ainsi c’est déjà un fait remarquable et une présomption défavorable à la génération spontanée que les partisans de cette hypothèse aient été peu à peu refoulés jusque dans le domaine de l’infiniment petit, dans la sphère de l’invisible pour ainsi dire, là où les expériences sont si difficiles, où l’œil est si facilement trompé. Si un tel mode de génération était possible, on ne voit pas pourquoi il n’aurait pas lieu dans d’autres sphères de l’animalité, et pourquoi il serait précisément réduit au monde microscopique.

M. Büchner dit à la vérité que ce sont là les organismes les plus imparfaits, et que par conséquent on conçoit qu’ils puissent se produire par le mode de génération le plus simple et le plus élémentaire; mais il reste à se demander si la perfection des organismes est précisément en raison de leurs dimensions, et si les plus petits sont toujours les plus imparfaits : or c’est ce qui évidemment n’est pas. Si l’on admet avec M. Milne Edwards que la perfection d’un animal est en raison de ce qu’il appelle la division du travail, c’est-à-dire la division des organes et des fonctions, il est facile de voir que cette division est tout à fait indépendante de la taille de l’animal. Ainsi les insectes par exemple, qui sont généralement très petits, sont des animaux, très supérieurs aux mollusques par le nombre et la division des fonctions, et cependant très inférieurs par les dimensions. L’homme, le plus parfait des animaux, n’en est pas le plus grand. On ne peut donc pas conclure de la petitesse à l’imperfection, et par conséquent l’imperfection prétendue des infusoires n’explique pas pourquoi la génération spontanée n’aurait lieu que dans le monde de l’infiniment petit. J’ajoute que l’or-