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en s’y ramifiant, tous les états continentaux. Il est donc bien temps de songer aux conséquences de cet achèvement. Voilà ce que nous tenions à établir avant d’envisager la situation au point de vue des institutions nouvelles et des modifications qu’elle peut réclamer soit dans l’économie des chemins de fer, soit dans telle ou telle branche de la législation des peuples.


I.

Parmi les difficultés pratiques dont il faut s’occuper sans retard au début de la période nouvelle qui commence pour le réseau continental, il faut compter en première ligne l’établissement d’un système de comptabilité commune. Ici fort heureusement un pays voisin nous offre d’utiles exemples, que toutes nos administrations de chemins de fer sont intéressées à méditer. Dans l’essor progressif des voies ferrées, on s’aperçoit sans peine que, parmi les empêchemens de tout genre qu’il a fallu vaincre, les obstacles purement physiques, ceux qui proviennent de la situation géographique ou topographique, n’ont pas été les plus redoutables. Combien n’en a-t-il pas coûté plus de peines pour triompher des résistances morales, c’est-à-dire découlant de la volonté même des hommes! Dans le programme imposé par la situation actuelle, il ne s’agit plus d’obstacles physiques; ceux-là n’inspirent plus guère de crainte : les chemins de fer, guidés par la science, en viendront promptement à bout. Les difficultés qu’on a devant soi au contraire sont des difficultés d’ordre moral, puisqu’elles peuvent toucher au régime légal de l’exploitation, à la législation civile, à l’économie politique, au droit international. Ce n’est donc plus que grâce aux conquêtes de l’expérience que les chemins de fer peuvent en faciliter la solution.

Nous parlions au début de cette étude d’une institution anglaise, le Railway clearing house. Disons tout de suite que cette institution est commune à cent vingt-quatre compagnies, les plus importantes de l’Angleterre, ou celles dont les lignes rentrent le plus directement dans un même orbite. Il serait superflu de rappeler que les chemins de fer, sillonnant de toutes parts le sol britannique, passant même quelquefois les uns au-dessus des autres à l’aide de viaducs superposés, sont divisés en un très grand nombre de concessions distinctes et indépendantes[1]. Aussi arrive-t-il souvent, et cela même pour d’assez courts trajets, que les voyageurs ou les marchandises doivent employer le secours de sept, de huit compagnies et même davantage. Malgré la concurrence à laquelle se sont

  1. Le nombre actuel est d’environ 250.