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peu à peu. Si cette explication ne s’appliquait qu’aux aérolithes nous l’admettrions volontiers; pendant les dix-huit premières années de ce siècle, on n’en avait observé que trente-sept. A supposer même que la plupart fussent tombés inaperçus, le nombre total n’en saurait être bien grand. Mais les étoiles filantes, c’est par milliers peut-être qu’il faut les compter chaque soir sur toute l’étendue du firmament. A qui persuadera-t-on que l’espace soit si peuplé ? D’ailleurs l’identité des étoiles filantes et des aérolithes ne s’appuie sur aucun fait, et n’est fondée que sur l’apparence. Jusqu’au jour où quelque aéronaute aura la chance d’en saisir une au passage, nous ignorerons ce qu’elles sont, et même nous pourrons douter qu’elles existent réellement. Peut-être n’est-ce qu’une apparence, une illusion d’optique. La vue est le plus trompeur de tous les sens.

Dans un temps comme le nôtre, où l’électricité est la science à la mode, on ne pouvait manquer de prêter aux bolides une origine électrique. Dans tous les phénomènes inexpliqués, on assigne mystérieusement un grand rôle au fluide électrique. En somme, toutes les hypothèses qu’on vient de signaler sont illusoires, car aucune d’elles ne s’appuie sur des faits; elles rappellent trop les anciennes théories sur la nature des choses, que les philosophes créaient de toutes pièces sans souci des vérifications expérimentales. Il est assurément plus digne de la science de convenir que nous ignorons ce que sont ces météores, et d’attendre patiemment que l’observation des faits donne une base légitime à la théorie.

Cependant, depuis soixante-dix ans que Chladni a attiré l’attention sur les étoiles filantes, les observateurs n’ont pas fait défaut. Certaines apparitions d’une importance exceptionnelle donnèrent un nouvel intérêt à cette étude. Ainsi, dans la nuit du 11 au 12 novembre 1799, MM. de Humboldt et Bonpland, qui étaient alors à Cumana, en Amérique, observèrent une véritable pluie d’étoiles filantes; elles se succédèrent par milliers pendant plusieurs heures avec une telle abondance qu’il était impossible de les compter. On les aperçut sur toute la côte orientale de l’Amérique du Nord, depuis le golfe du Mexique jusqu’à Halifax. A Boston, un observateur les assimilait, au moment où elles étaient le plus nombreuses, à la moitié du nombre des flocons qu’on aperçoit dans l’air pendant une averse ordinaire de neige. Dans cette ville seulement, le nombre total de ces étoiles était estimé pour cette seule nuit à 240,000 au moins. En Allemagne, au Groenland, au Brésil, le même phénomène fut observé pendant la même nuit. On eut encore en 1833, dans la nuit du 12 au 13 novembre, une apparition extraordinaire qui fut visible dans l’Amérique du Nord. Cette date du 12 novembre semblait donc caractéristique, et Arago recommandait aux navigateurs