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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/241

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alertement prise par l’Autriche. On aurait été piqué de la coïncidence du rendez-vous de Francfort avec le voyage de la reine d’Angleterre en Allemagne. On sait bien que la reine Victoria, en visitant les lieux où se passa la jeunesse du prince Albert, plane bien au-dessus des agitations politiques du moment; mais la reine est accompagnée d’un ministre qui est certes moins indifférent qu’elle aux choses de ce monde, lord Granville. D’ailleurs, à mesure que les princes arrivaient à Francfort, on y a vu descendre aussi un touriste politique dont les mouvemens ne sauraient être frivoles. Un grand personnage qui conserve peut-être une position politique d’autant plus considérable qu’il n’a point de rôle officiel, lord Clarendon, est allé recueillir à travers le congrès des princes des impressions de voyage. On a fait des remarques. On a trouvé que l’Autriche causait beaucoup avec l’Angleterre. Qu’est-ce à dire ? que signifie cette intimité? Avec une moue de dépit amoureux, certaines gens ont roulé entre leurs sourcils de grosses pensées. Que l’Autriche y prenne garde! se disait-on. Est-ce que ses coquetteries avec l’Angleterre prépareraient quelque taquinerie à l’adresse de la politique française? Imprudente espièglerie! ah! nos alliés préférés voudraient s’entendre pour nous lier les bras; c’est jouer gros jeu, Autriche, ma mie! Souvenez-vous, téméraire que vous n’avez contracté encore mariage avec personne, et que la volage Angleterre, qui vous dépêche un de ses anciens beaux, ne va point au-delà de, simples passades. Que deviendriez-vous, malheureuse si la France, ne pouvant, grâce à vous et, à l’Angleterre, rien conclure de décisif pour la Pologne, s’avisait de vous faire payer les frais de l’impuissance à laquelle vous l’auriez réduite? La France, après tout, a le choix des alliances ; elle n’est point sur le continent une Ariane délaissée. La Prusse, la Russie lui tendent les bras, et elle entraîne avec elle l’Italie. C’est ainsi que les diplomaties de cour ont leurs piques et leurs brusques reviremens. Que l’on nous permette de ne pas prendre au sérieux cette façon de politique chatouilleuse et nerveuse. Pourquoi ces ressentimens féminins et ces idées de volte-face dépitée? Tout le mal vient de lord Clarendon; pourquoi, après tout, n’avons-nous pas envoyé, nous aussi, à Francfort un lord Clarendon français? Serait-ce que la vie politique actuelle de la France ne produit pas de ces illustrations et de ces situations considérables qui se trouvent chez elles, dans leur monde, au milieu de la plus haute société politique, et qui peuvent, sans être investies d’un mandat officiel, y jouer avec aisance et aplomb un rôle influent? S’il en était ainsi, ce n’est pas aux autres que nous devrions imposer la peine de notre indigence, c’est contre nous-mêmes qu’il faudrait nous fâcher. M. le comte de Persigny expliquerait peut-être cela comme tout le reste, en répétant pour la millième fois : L’Angleterre a une aristocratie, et nous n’en avons pas. Mauvaise raison, car la vie parlementaire a produit chez nous de; ces grandes situations dont l’éclat peut être si profitable à un pays. Pour aller de pair avec l’élite de la société européenne, il a suffi quelquefois, au sein de notre démocratie simple, et fière,