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science ne répond pas à cette question : se contentant d’étudier les rapports des choses, elle n’en recherche ni le commencement ni la fin dernière. Elle vit dans le présent, et ne plonge pas plus volontiers les regards dans les abîmes du passé que dans les ténèbres de l’avenir. Pourtant une logique impérieuse oblige l’esprit humain à remonter à toutes les origines. Nous ne saurions circonscrire l’horizon de la pensée comme nous pouvons circonscrire le cercle de nos observations. Les sciences d’ailleurs, en suivant des voies indépendantes, arrivent à se rencontrer quelquefois, et elles se posent alors des problèmes imprévus. La zoologie se contente d’étudier les êtres actuels, leur fonction, leur embryogénie, leur développement : elle ne remonte pas aux jours lointains de la création; mais la paléontologie lui montre bientôt des multitudes d’êtres aujourd’hui éteints, qui ont peuplé le globe aux divers âges géologiques : elle oblige l’histoire naturelle à élargir ses cadres, à ouvrir une place à tous ces représentans du passé, elle la force à remonter à l’origine même de tous les organismes animés.

Si la science ne voulait pas s’occuper de la création, il faudrait aussi, pour être conséquente, qu’elle cessât de s’occuper de la vie, car, à l’examiner philosophiquement, la vie n’est autre chose qu’une création perpétuelle. La formation de la plus petite cellule dans un végétal, la fécondation d’une graine, la génération des animaux, l’accomplissement de toutes les fonctions vitales, sont des phénomènes qui obligent l’esprit à reconnaître l’existence d’une force particulière, capable d’imprimer à la matière certaines métamorphoses. Pourquoi cette force serait-elle différente de celle qui a fait surgir les premiers et les plus infimes organismes à la surface de notre planète, encore échauffée par les effluves du feu intérieur, dans les mers produites par la condensation des vapeurs qui troublaient l’atmosphère? Nier la seconde force serait implicitement nier la première; reconnaître la première, c’est implicitement admettre la seconde. Pour mieux dire, elles sont identiques, et l’histoire du monde est une création continue.

Les fermentations nous montrent que la vie n’abandonne certaines substances que pour en animer de nouvelles, mais elles nous font voir aussi que les germes féconds n’ont pas besoin de prendre leur substance dans des êtres animés : ils la trouvent également dans les principes immédiats, qui ne peuvent pas être considérés comme doués de vie véritable, bien qu’ils entrent dans la composition de tout ce qui est vivant. En descendant l’échelle organique, on arrive à des principes immédiats si simples qu’on ne saurait trop dire s’ils appartiennent ou non au règne minéral. La synthèse chimique a réussi à les reproduire par la seule action réciproque des corps simples. M. Berthelot a pu fabriquer artificielle-