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ganes ce métier se compose, à quel engin il a succédé, de quels perfectionnemens il est susceptible. Du métier, la curiosité glissera jusqu’au moteur qui lui donne la vie, et on voudra se faire expliquer la composition de la machine et la nature de la force motrice. D’autres esprits seront attirés par les problèmes économiques et sociaux, et voudront savoir quelle est la part du capital, celle de la science et celle de la main-d’œuvre dans la fabrication d’un produit. N’est-ce pas pour un ouvrier à la fois un vif plaisir et un grand sujet d’émulation que d’apprendre ce qu’était Richard Arkwright avant de devenir baronet et millionnaire ? Si jamais tous les hommes qui comme lui ont créé une industrie en créant un instrument sont mis à la place qu’ils méritent dans l’admiration de l’humanité, ce sera déjà un progrès moral que d’avoir remplacé le culte du sabre par celui du génie. Voici donc en peu de mots les conseils qu’on peut donner aux fondateurs de bibliothèques : avant tout, une morale austère, non pas un semblant de morale, une morale hypocrite, mettant certaines conventions sociales au-dessus du devoir, mais la vraie, la généreuse, l’inflexible morale, et de la morale jusque dans les traités scientifiques, jusque dans les ouvrages frivoles : c’est là le premier et le plus grand précepte ; en second lieu, un choix habilement et sévèrement fait dans les chefs-d’œuvre classiques : si on a recours aux classiques de l’antiquité ou aux littératures étrangères, que les traductions soient faites avec tout le soin possible et par les meilleurs écrivains ; troisièmement, des livres d’agrément en assez grand nombre pour rendre la bibliothèque très attrayante, mais des livres irréprochables pour la morale et pour le style : que ces livres, avant de flétrir et de punir le vice, ne commencent jamais par le rendre aimable, car on entendrait les descriptions et on n’entendrait pas les anathèmes ; enfin des livres techniques écrits en langage usuel, simple, correct, pas trop scientifiques pour rester clairs et facilement accessibles, toujours au courant des dernières découvertes de la science, dignes d’être lus par les ouvriers et consultés par les savans. C’est beaucoup demander, mais on ne demande jamais trop quand il s’agit de l’éducation.

Une grande ville du nord, la ville de Gand, qui reçoit cette année dans ses murs un congrès scientifique, a mis au nombre de ses fêtes une revue des écoles communales. L’idée est neuve ; elle sera peut-être féconde. Il est beau de voir une ville se parer de ses écoles, lorsque tant d’autres, et des plus illustres, ne savent étaler que les ruineuses et médiocres combinaisons de leurs architectes ; mais les écoles, après tout, ne sont elles-mêmes qu’une espérance. Verrons-nous de nos yeux le jour où toutes les espérances des véritables amis du peuple seront réalisées, où chaque commune, chaque fa-