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et de savoir à qui l’on a affaire; il ne s’agit pas de croire aveuglément tout ce qu’ils nous disent, car les esprits, en passant de cette vie dans l’autre, sont encore tout imprégnés des passions et des erreurs terrestres, et si quelques-uns profitent de leur nouvelle position pour s’instruire et s’améliorer, il y en a beaucoup qui demeurent absolument tels qu’ils étaient sur la terre. C’est dire qu’il y en a beaucoup d’ignorans, de grossiers, d’étourdis, de fourbes, d’hypocrites et de méchans ; il y a aussi parmi eux de faux savans, des raisonneurs creux et de mauvais plaisans qui ne demandent qu’à se moquer de tout. Il est même à noter, et c’est, nous dit M. Kardec, une des remarques du spiritisme pratique, que ce sont ces esprits de qualité inférieure qui se communiquent le plus volontiers; ce sont eux seuls d’ailleurs qui produisent les manifestations grossières, les bruits étranges, les coups dans les murs, les mouvemens d’objets matériels sans cause apparente. Quant aux bons esprits, ils ne s’occupent pas plus de ces jongleries « que nos savans de faire des tours de force. » Ces esprits supérieurs, les seuls avec qui nous ayons intérêt à communiquer, ne se prodiguent point, ne se produisent qu’à bon escient; ils ne s’attachent point dans ce qu’ils disent au détail des choses et ne voient pas les affaires humaines par le menu; ils évitent de répondre aux questions que leur pose une curiosité indiscrète; ils aiment à rester dans le domaine de ces idées générales qui forment la littérature du spiritisme. Avec ceux-là, le médium ne court aucun danger; mais encore faut-il qu’il ait soin de bien vérifier l’identité des esprits qui se présentent à lui, car les esprits moqueurs sont toujours là prêts à donner le change aux médiums; les bévues sont à craindre, et il faut éviter de prendre don Quichotte pour Bayard ou M. de La Palisse pour saint Augustin.

Ainsi ce qu’il faut rechercher, et ce que recherche M. Kardec, ce sont les leçons données par les esprits supérieurs. Il s’efface d’ailleurs et se contente de recueillir ce qu’ils ont dicté. Ces dictées, nous l’avons dit, sont d’ordinaire d’assez fades homélies; les esprits supérieurs ne soignent point assez leur style et ne paraissent pas se piquer d’originalité. On trouve pourtant çà et là dans leurs discours quelques indications, qui ont bien leur prix, sur la théorie de l’univers, sur l’histoire de l’humanité, sur la vie future, sur les rapports du spiritisme avec la religion. La certitude de tous ces enseignemens repose en grande partie, pour M. Kardec, sur ce fait qu’ils viennent des esprits : il est vrai d’un autre côté qu’il considère l’existence de ces enseignemens comme prouvant par elle-même l’existence des esprits; mais nous ne lui ferons point cette chicane : il nous répondrait que ce n’est point là le seul exemple d’un sys-