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ter les charges. Il fallut, en 1858, rétrograder jusqu’au régime des douanes intérieures. Une ordonnance de police interdit sous des peines sévères « l’apport et la vente dans le département de la Seine du pain fabriqué au dehors et l’exportation du pain fabriqué par les boulangers établis dans ce département. » L’obligation d’immobiliser un dépôt de trois mois excédait tellement les forces de la corporation, qu’il fallut peser sur elle pendant plusieurs années, et venir à son secours pour que le dépôt arrivât au complet.

Vers 1860, après l’annexion de la banlieue, la réglementation de la boulangerie parisienne semblait être une œuvre achevée. C’était une vaste et belle machine, mais qui avait un défaut : elle accablait les ouvriers destinés à la faire mouvoir. On essaya de la modifier, et on fut entraîné à la détruire.


IV.

On vient de voir que le système réglementaire, loin d’être le premier jet d’une forte pensée, résulte au contraire d’une élaboration de soixante années. Chaque fois qu’on y a mis la main, ç’a été accidentellement pour ainsi dire, sous l’impression d’une crainte exagérée ou d’une prévoyance tardive, avant ou après la disette. La dernière combinaison se résumait ainsi : limitation du nombre et classement des boulangers de manière à former en leur faveur une sorte de monopole, — taxation périodique du pain, — formation, aux dépens de la boulangerie, d’une réserve en farine correspondant à la consommation de trois mois, — compensation des prix extrêmes afin de conserver au pain une valeur moyenne, — affranchissement complet de la meunerie. Les effets de ce régime, étudiés dans la pratique, montreront qu’il était devenu impossible de le conserver plus longtemps.

Tout système tendant à réglementer la boulangerie a pour base la taxe du pain : qu’on la supprime, et l’édifice s’écrouie. La taxation serait un non-sens, si elle n’avait pas pour but de brider la rapacité du marchand, de maintenir l’aliment indispensable à un prix toujours accessible. La foule en tout pays est disposée à croire que la chose est possible, et les administrateurs se sont rarement montrés à cet égard plus clairvoyans que la foule. Pour peu qu’on y réfléchisse cependant, on reconnaît que le pain est un produit de nature très complexe, qu’il résume pour ainsi dire une longue série de travaux et de transactions tenant à tous les faits sociaux, et qu’on fait en définitive plus de mal que de bien en essayant de fausser la valeur qu’on lui attribue spontanément sur les marchés. Où prendre la mesure du prix qu’on veut assigner ? On a déjà taxé le pain de