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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre 1863.


Il est encore un lieu, même en ce temps de vacances, où la politique ne chôme point, et ce lieu est la Bourse. Les moyens de manifestation directe de l’opinion publique étant aujourd’hui fort restreints en France, la Bourse a pris par momens chez nous une très grande importance, comme révélatrice des impressions générales ; elle est un des plus gros fragmens de ce miroir brisé où, suivant la pittoresque image de M. Jules Favre, il est donné à la France de se contempler. La Bourse est en effet un meeting en permanence, un forum toujours ouvert, un club dont le langage chiffré échappe à toute censure et déjoue toute répression. Animée par l’impétueux et irrésistible mobile de l’intérêt, la Bourse a la prétention et la réputation de tout savoir et de tout prévoir. Elle écoute aux portes des conseils de cabinet, elle pénètre les projets des puissans de la terre, elle surprend les confidences des artisans de révolution, elle est avertie des rhumes des souverains à leur premier éternument. Ce monstre singulier vient d’être en proie à un accès d’impressions brusques et contradictoires, bien fait pour déconcerter ceux qui croient à son infaillibilité. Pendant quelques jours, il a été le jouet des rumeurs les plus diverses, et on l’a vu sauter, d’une heure à l’autre, de l’excès de la confiance à l’excès de la crainte. Un moment la Bourse a cru à l’alliance de la France, de la Prusse et de la Russie ; elle s’est attendue à l’octroi d’une constitution à la Pologne et à la Russie, et a souhaité le bonsoir à la question polonaise. Déçue par la fête de l’empereur Alexandre, qui s’est encore une fois passée sans démonstration constitutionnelle, informée par la presse officieuse que l’alliance réactionnaire n’avait aucune réalité, elle s’est tout à coup abandonnée aux pressentimens les plus noirs. Elle a cru que l’archiduc Maximilien refusait le trône du Mexique, que notre gouvernement allait reconnaître la confédération du sud, que le roi d’Italie, gravement malade, se livrait à cette médecine à la Sangrado qui fut si funeste à M. de Cavour ;