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d’entre eux, ce ceux-là même bien souvent que ne signale à la curiosité ni un nom célèbre, ni quelque souvenir appartenant au public, beaucoup attirent le regard et le captivent par les seuls mérites du travail, par la finesse avec laquelle chaque forme est indiquée, chaque détail caractéristique de la physionomie, du tempérament, des habitudes morales du modèle, aperçu et exprimé. Des nombreuses œuvres de même espèce qu’à produites la lithographie, on en citerait aucune, — sauf peut-être quelques portraits dessinés par M. Belliard, ou à une époque plus récente par M. Gigoux, ceux autre autres de Gérard et des Frères Johannot, — on en trouverait bien peu en tout cas qu’on pût rapprocher sans désavantage des portraits dessinés par Devéria, surtout dans la première moitié de sa carrière. C’est lui qui, à vrai dire, est le créateur, le maître du genre, et s’il fallait, pour apprécier la valeur de ses travaux, chercher des termes de comparaison parmi les œuvres contemporaines, quelle pauvre mine feraient à côté de cette manière à la fois souple et précise les molles gentillesses du crayon de Grévedon ou les lourdes insistances du crayon de M. Maurin !

Les premiers travaux d’Achille Devéria marquent à peu près, dans l’histoire de la lithographie en France, la fin de la période d’initiation et de progrès. On a vu la lithographie, après quelques courts momens d’hésitation, entrer bientôt en pleine possession d’elle-même et de ses ressources, arriver à l’excellence dans tous les genres qu’il lui appartenait d’aborder, et préparer pour l’avenir une tradition et des exemples dont on pourra diversifier les formes, mais dont il serait au moins imprudent de répudier l’esprit. Reste à savoir dans quel sens cette tradition s’est modifiée, à quelles variations du goût ces enseignemens ont été soumis et comment ils sont peu à peu devenus stériles. L’âge d’or pour l’art qu’avaient pratiqué Charlet et Géricault n’est pas, il est vrai, si bien clos encore que quelque chose ne se continue dans la phase qui va suivre des faits ou des souvenirs de la première époque. De nouveaux talens pourront surgir, et parmi ceux-ci trois surtout d’une trempe assez forte pour résister aux envahissemens d’un vulgaire esprit d’industrie et pour en retarder les succès ; mais si Decamps, Raffet et Gavarni réussissent, chacun à sa manière, à maintenir la lithographie sur le terrain de l’art, combien d’autres la font progressivement dévier jusqu’au jour où, de déception en déception, de faux pas en faux pas, elle semble avoir renoncé même au désir de se relever de ses chutes et s’être installée pour ainsi dire dans la décadence ! C’est donc à la période dont nous avons essayé de résumer la physionomie générale et l’histoire que se rattachent les conquêtes principales, les progrès les plus importans de la lithographie. Jusqu’ici,